Trois drames, trois révélateurs d'un triple problème de société : comment apporter des solutions concrètes aux demandes essentielles de la population, comment ramener le monde politique à son devoir, comment revenir à une société plus solidaire et plus fraternelle ?
En quelques semaines, le monde du logement social a été endeuillé par trois drames, trois drames qui totalisent des dizaines de morts dans la France de 2005. La presse et surtout la télévision y ont fait assez modestement l'écho. On s'est fait à l'inacceptable, mithridatisés que nous sommes vis-à-vis de certains sujets qui ont rejoint les accidents de la route au chapitre de l'inévitable ou du soi-disant inévitable. Il y a les taudis parisiens (mais qui ne sont plus seulement parisiens car les bidonvilles réapparaissent un peu partout), les hôtels et les associations qui ont tout de même le mérite de loger les gens qu'on leur envoie mais dans des conditions de sécurité et de perennité inadaptées à un tel public, la vulnérabilité des grands ensembles à des comportements délictueux que, dans la pratique, on prévient et on réprime mal.
Derrière cette réalité et les causes immédiates, que trouve-t-on ? Un problème global, tout d'abord : l'incapacité des techniciens et surtout du pouvoir politique qui est censé les animer à créer un cadre de travail efficace pour les opérateurs du logement social, à dégager de nouvelles solutions. Ensuite et au delà des effets de manche ou d'annonce qui sont hélas devenus une spécialité des gouvernants, un profond désintérêt de leur part pour un problème qui concerne de plus en plus de gens en France. Plus récemment et comme si cela ne suffisait pas, le cynisme le plus révoltant s'y ajoute. Quand on voit des gens qui ont été ministres d'Etat voire davantage, qui ont assumé pendant de longues années -tout au moins théoriquement- des responsabilités municipales dans des villes nationalement réputées comme des citadelles de l'égoïsme et du refus de la solidarité, avoir pour seule réaction la mise à la porte brutale, un jour de rentrée scolaire, de pauvres gens choisis par la Préfecture de Police sur les bases de la décimation et de l'ouverture du parapluie, on croit rêver.
Mais ce n'est hélas pas un rêve. Le politicien qui fait dégager, matraque à la main, les familles de certains immeubles avant de retourner parader en chemisette à la Baule ou ailleurs nous rappelle le Président Bush qui embrasse pour la télé deux ou trois familles, noires elles aussi d'ailleurs, alors qu'il a réservé à l'Irak l'argent qui aurait pu au moins en partie prévenir le drame de la Nouvelle-Orléans. L'ego et l'obsession de la communication politique ont emporté l'essentiel de ce qu'il pouvoir y avoir de bon chez ces gens : ils sont, au sens technique du terme, en voie d'aliénation. Pas de solutions, du mauvais cinéma. Parlez-moi de moi, il n'y a que ça qui m'intéresse !
Mais tout cela, c'est de la philosophie. Je crois que chacun a à faire son travail et ne doit pas en arriver à faire mal le métier de son prochain. Et si la communication fait partie du métier politique, elle n'en est pas l'essence même et ne doit surtout pas le devenir. Or, quand on voit le décalage impressionnant qui existe entre la perception par le public de l'image de tel ou tel politicien franaçs, américain ou autre et la réalité que connaissent bien ceux qui travaillent avec lui ou qui en dépendent en tant qu'administrés ou fonctionnaires, il reste beaucoup de chemin à faire.
Ce chemin, il est à faire par les techniciens et les associatifs qui doivent être créatifs et parfois sortir des sentiers battus en à créant à l'instar du célèbre Abbé Pierre, le scandale pour aider à résoudre ce qui l'a provoqué (et non pour en profiter ou battre leur coulpe sur la poitrine du voisin). Il est à faire par les femmes et hommes politiques qui doivent revenir à leur vocation, celle d'être des médiateurs agissants du bien public et non des obsédés de leur propre com'. Mais il est aussi à faire par le citoyen électeur, qui doit favoriser les bons comportements et non les mauvais, exiger qu'on tienne compte de ses décisions collectives, chercher à comprendre le mieux possible ce qui se passe pour porter de bons jugements sur l'action de leurs élus. A l'heure du net, il n'y a plus beaucoup d'excuses pour ne pas savoir..si l'on veut vraiment savoir et ne pas se réfugier dans un comportement de consommateur. Une République vaut finalement ce que valent ses citoyens !
Revenir à une société plus fraternelle et plus solidaire, ce n'est pas faire de la politique "pure". Pour moi, elle n'existe pas et elle est quelque part aussi mythique que la martingale aux courses hippiques. Opposer la "gestion" à "la vraie politique" n'a aucun sens car c'est croire qu'il existe des recettes magiques comme "le socialisme à visage humain", "la concurrence non faussée" ou plus récemment le soi-disant "nouveau modèle français" de Nicolas SARKOZY, qui succède à celui de beaucoup d'autres politiciens du même acabit. On a toujours vu, ou on verra, ce que ça donne ! Car faire de la vraie politique c'est par définition apporter un plus à ses concitoyens et comment le faire sans connaître à fond ses difficultés, se les approprier, mobiliser les énergies positives, tâtonner, chercher à résoudre les problèmes au milieu des lazzi, des difficultés et de l'égoïsme ambiant comme le font beaucoup d'élus locaux ? Et celui qui méprise les citoyens ou certaines catégories de citoyens, comment peut-il réussir ?
La vraie politique c'est au contraire celle qui prend des responsabilités dans la durée : ce n'est pas une politique des cent jours fondée sur l'effet d'annonce, la manipulation de la statistique et le facteur chance par rapport à la conjoncture. Elle veut être jugée aux résultats, dans la durée aussi. Or la fraternité n'est pas seulement moralement souhaitable, elle est socialement nécessaire et l' habitat en est un théâtre privilégié. Infatigablement, labourons le terrain, créons du logement, administrons mieux, recherchons des principes efficaces même s'ils ne sont pas toujours populaires. C'est à ce prix qu'on va avancer et faire, vraiment, évoluer la France.
N.B. C'est dans cet esprit que j'ai écrit, dans le cadre d'un travail de fond plus global, quelques pages sur le logement social que je vous invite à télécharger. Je serai heureux de recevoir vos commentaires ou critiques à leur sujet. Les vacances sont terminées !