Vanves, Issy les Moulineaux, Meudon, Chaville et Ville d'Avray : le premier janvier 2003 naissait l' Arc-de-Seine. Quel chemin notre communauté d'agglomération poursuit-elle depuis et pourquoi ?
L'idée de décentralisation a été longue à faire son chemin mais c'est l'une des rares évolutions politiques dont on peut dire qu'elle a été poursuivie de façon relativement continue par les gouvernements de droite et de gauche sur des décennies. Depuis le général de Gaulle et Gaston Defferre jusqu'aux lois récentes, la tendance est constante : les collectivités territoriales se voient de façon continue transférer de nombreuses responsabilités politiques et financières par l'Etat.
Les citoyens voient apparaître dans leur environnement de nouveaux acteurs qui régissent de plus en plus leur vie quotidienne : enlèvement et traitement des déchets, aménagement et entretien de la voirie et des réseaux, politique de l'assainissement, gestion des transports, logistique des établissements scolaires, conduite des équipements culturels et sportifs, aménagement de l'espace, gestion du développement économique et des problèmes d'emploi et j'en passe.
Pour finir, on peut vraiment se demander ce qui, par différence, restera finalement aux communes. Bien des gens s'en inquiètent. Certains font valoir des raisons politiques de fond. La liberté des communes, héritières des villages gaulois ou, si elles sont plus importantes, porteuses des libertés des villes franches, est un élément essentiel de la vie du citoyen. Alors, ne dérive-t-on pas une fois de plus vers la technocratie en créant des amalgames, des "machins" sans âme particulière et où les responsabilités politiques des décideurs sont floues, rendues incertaines par la spécialisation des assemblées qu'ils forment au niveau des Régions, des Départements ou des communautés de communes ou d'agglomération ? La proximité politique qu'offre le maire d'une ville pas trop grande, responsable unique et plus facilement accessible, va-t-elle disparaître ? D'autres se demandent si la réactivité et la qualité du service public resteront les mêmes, si de nouveaux impôts ne vont pas apparaître avec une administration supplémentaire.
D'autres, à l'inverse, souhaiteraient une évolution plus rapide et en particulier une élection au suffrage universel direct des responsables communautaires, transformant ainsi les communautés en quasi-villes, à la différence près que les compétences n'en seraient pas universelles. Certes. Mais y aurait-il vraiment progrès aujourd'hui, dans la mesure où les nuances politiques territoriales et l'appréciation de la qualité particulière de tel ou tel décideur disparaîtraient et, une fois de plus, la prééminence des partis qui structurent les listes se ferait sentir. Or, le casting des partis n'est pas fondé principalement sur la qualité intrinsèque des élus mais le plus souvent sur d'autres critères : leur attractivité en tant que candidats, leur influence interne au sein des formations ou leur fidélité à la ligne majoritaire. L'autre problème, c'est qu'à mon avis les "intercos" ne sont pas encore prêtes, tout au moins en Région Ile-de-France, à voir leurs enceintes envahies par un "débat politique" alors que les compétences n'y sont pas encore stabilisées, le travail fondateur reste à faire et leur environnement politique, fiscal et réglementaire reste évolutif.
Quoiqu'il en soit, nous -les maires des 5 villes de l'Arc- maintenons depuis bientôt trois ans un large consensus sur un certain nombre d'options. La première, c'est de permettre à toutes les sensibilités de s'exprimer (ce qui n'est pas le cas dans de nombreuses communautés) en retenant un "quota" d'opposition. La seconde, c'est d'intégrer un maximum de compétences dans l'agglomération et non de se contenter de répartir entre les communes membres le supplément de dotation accordé par l'Etat. La troisième, d' éviter la création d'une ligne supplémentaire d'imposition. La quatrième, c'est de mettre sur pied -ce qui prendra du temps- une véritable stratégie de développement économique et social pour notre communauté. Cette stratégie est largement soutenue par nos élus qui travaillent dans les commissions thématiques ou générales ainsi qu'au sein du Conseil Communautaire, lequel compte une cinquantaine d'élus.
Il nous faut en effet prendre en compte l'avenir.
Rien ne dit, pour commencer, que la nature des ressources financières des communes, des régions, des départements et surtout des EPCI n'évoluera pas. Les changements de pied sur l'avenir de la taxe professionnelle sont incessants et la politique à courte vue des gouvernements qui consiste, pour des raisons électoralistes ou soi-disant économiques, à renforcer obstinément la part de la taxation indirecte dans la fiscalité, est dangereuse. Elle induit le manque de transparence, l'irresponsabilité financière de l'Etat dans certains secteurs et le manque de moyens dans d'autres, l'injustice fiscale en général.
En ce qui concerne les EPCI et les communes qui vivent essentiellement de la taxe professionnelle, toute tendance à "lisser" nationalement cette dernière ne pourrait que faire évoluer le système vers une formule largement répandue dans le nord de l' Europe et qui consiste pour l'Etat, fût-il fédéral, à redistribuer en gros selon un clé démographique une masse financière provenant surtout des impôts directs. Contrairement à une fable répandue, ceux-ci sont en effet plus élevés dans de nombreux pays soi-disant plus performants économiquement parce que plus "libéraux".
Il est donc prudent d'intégrer le plus grand nombre possible de compétences. Cela permet d'être à terme plus efficaces au niveau des appels d'offres, de la rationalité économique, du confort des usagers et du contrôle de gestion. Mais en cas d'évolution, on dispose aussi d'un poids politique plus important par rapport aux partenaires que sont la Région, le Département ou l'Etat. On est aussi plus nombreux avec statistiquement davantage de chances de conserver un dynamisme économique suffisant : ceinture et bretelles en quelque sorte !
Il y a aussi d'autres raisons : en intégrant davantage, on peut aussi mettre sur pied un véritable projet de développement. Comment le faire sur la base de quelques compétences isolées, surtout en milieu urbanisé où toutes les structures -c'est un grave défaut de la décentralisation à la française- s'occupent de quelque chose et se répartissent horizontalement le gâteau des compétences ? La valeur ajoutée, la subsidiarité pour parler en jargon européen, d'une agglomération ne pourra s'exprimer que si elle est suffisamment puissante et diversifiée et c'est là l'essentiel : elle peut travailler mieux et dans des domaines où il y a un "trou" dans le dispositif.
Quelques exemples pour faire vivre le sujet. Qui va s'occuper sérieusement du problème posé par les clubs d'élite, indispensable mais coûteuse locomotive du sport populaire (à ne pas confondre avec les grands clubs professionnels privés !)? Qui gèrera la rationalisation, le rééquilibrage, une plus large diffusion des enseignements artistiques ? Qui commencera à corriger le déséquilibre entre transport pendulaire et habitat urbain ? Qui intégrera les pôles de développement économiques dans la vie urbaine ? Qui cherchera à résoudre les problèmes d'emploi en amont, c'est-à-dire en associant de futurs collaborateurs bien formés et aussi universels que possibles avec des entreprises en développement et bien installées ? Qui va relancer en région parisienne un urbanisme dynamique, moderne et écologique qui sorte enfin de l'impossible équation actuelle : refus de l'"étalement" et de la construction en hauteur ? Qui apposera enfin une vraie trame sociale au développement, pour qu'il fasse avancer la solidarité et non la fracture sociale ?
Toutes ces problématiques ne seront peut-être pas résolues par les agglomérations mais dans l'état actuel des choses elles sont certainement les moins mal placées pour y parvenir. Elles permettent aussi aux politiques les moins sectaires, non de gommer leurs différences idéologiques mais de cesser d'amuser la galerie avec celles-ci. Il y a assez de problèmes très difficiles à vivre aujourd'hui pour beaucoup de gens pour qu'on cherche encore à faire croire qu'on est intrinsèquement meilleur que les autres ou que la gestion est une activité méprisable qui n'a rien à voir avec la "noble" politique des diseux. Et les grands diseux sont comme chacun sait, souvent les petits faiseux : c'est précisément en abandonnant les rênes de la gestion que l'on se condamne à tourner en rond sur le palefroi de la politique.
Aujourd'hui, la vraie gestion est inspirée et conduite par une vision politique assurée et sociale et l'intercommunalité est l'un des champs privilégiés où elle pourra s'exprimer.
Mais il y faut de la patience, de la discipline, du respect, de la méthode, de la diplomatie, toutes qualités qui n'ont guère pignon sur rue aujourd'hui. Ca ne fait, rien, on essaiera et je crois bien qu'on y réussira. Telle est en tous cas, à l'Arc-de-Seine, ma ligne de conduite et la ligne "intégratrice" que nous suivons actuellement est fondée, non seulement sur une réflexion prudente mais une ambition commune. La prochaine fois, on pourra ensemble réfléchir sur des sujets plus concrets et les évolutions vraisemblables de notre communauté !