Apparition en France du racket avec violences, dérapages aggravés de militaires en opérations extérieures, harkis insultés par un dirigeant de gauche, caricatures de Mahomet complaisamment diffusées, profanations de cimetières juifs mais aussi musulmans ou chrétiens, projets d'immigration soi-disant à la carte, hagiographie de la colonisation, acceptation tacite par la classe politique du principe de la torture américaine et parfois française "pour le bon motif" : incontestablement, c'est une ambiance de banalisation de l'intolérance raciste et de la violence d'Etat qui s'installe, facilitée par le changement de générations. Il faut sans doute mieux identifier cette dérive et la combattre mais comment ?
Il est impossible de ne pas faire de rapprochement entre tous ces comportements, quel que soit leur niveau de gravité et un essoufflement progressif des principes éducatifs. En effet, l'homme d'aujourd'hui est le jeune d'hier et celui de demain, le jeune d'aujourd'hui. De plus, au-delà du problème de générations que constitue la transmission historique des acquis moraux, le comportement collectif est très largement dicté par les principes éducatifs ou, de plus en plus, les influences éducatives, au sens neutre du terme, que subit la population même adulte ou supposée l' être.
Ainsi, grâce entre autres à Nicolas Sarkozy et à ses copains idéologiques, la France tourne petit à petit le dos aux idéaux gaullistes comme à l'humanité, tout simplement. Ce qui compte, c'est la différence et non le rassemblement. Aussi illusoire voire ridicule qu'elle puisse être, l'idée d'une sélection des entrants, les "bons" pour nous, admis en CPE national en quelque sorte et les "mauvais" restant bien sagement chez eux dans la misère, s'acclimate doucement elle aussi.
Après le Kärcher, c'est la PAFqui gérerait les problèmes, si problèmes il y a ! Faut-il aller chercher le Dr Freud pour comprendre pourquoi les apôtres de la discrimination sont souvent d'origine étrangère ? Peut-être. Plus probablement, c'est l'ambition d'enrôler à des fins personnelles aussi bien le côté obscur que le côté clair de la nation qui incite à une telle irresponsabilité politique. Les penchants racistes n'ont pourtant, en France comme ailleurs, guère besoin d'être encouragés ni exploités. Quel mauvais exemple, qui ne peut que perfuser dans toute la société française et particulièrement chez les jeunes !
Et au travers du projet constitutionnel européen, que certains n'ont pas renoncé à imposer aux Français, c'est toute une vision qui transparaît et qui n'a pas grand'chose à voir, par exemple, avec un christianisme ouvert et authentiquement vécu. En vérité, ce n'est pas un louable idéal de fraternité chrétienne qui est cultivé, c'est la différence voire l'opposition à d'autres religions comme l' Islam ou même à la liberté de pensée, jugées "hors normes". La seule vraie religion, au fond, c'est celle de l'euro et le danger principal est identifié : c' est le service public, présumé coupable de malgestion mais surtout d'interférence avec l'Intérêt privé, qui n'est en fait qu'un rassemblement des intérêts privés, dans une vision qui ramène l'homme à sa seule dimension économique.
En France, la laïcité soi-disant promue par les textes prend eau de tous les côtés, la fraternité est battue en brèche, la péréquation sociale devient l'ennemi à abattre, la charpente du temple de l'éducation est systématiquement attaquée par le ver du matérialisme ambiant. Grâce au sénateur Charasse, les maires pourront se voir bientôt contraints de financer, en plus des établissements élémentaires privés de leur commune, les études des enfants scolarisés n'importe où ailleurs. Cela veut dire qu'alors qu'il y a chez eux de la place dans les écoles publiques ou sous contrat qui accueillent tout le monde, la loi les obligera à investir l'argent du contribuable dans une école "de classe" voire intégriste, chez les voisins. Or il n'en manque pas, en particulier dans l'académie de Versailles. Redoutable "tolérance" qui ne peut manquer, à terme, de contribuer activement à un endoctrinement pratiqué dès l'enfance. On renforce ainsi, s'il en était besoin, le clivage entre de futurs décisionnaires drapés dans l'aveuglement et la bonne conscience et une masse de jeunes Français pour qui l'enseignement a tenté de se substituer à l'éducation.
Plus grave encore peut-être, c'est la notion même d'éducation qui est contestée. La philosophie suivant laquelle le jeune peut s'éduquer tout seul sans réel tutorat éducatif de la famille, de la société ou de l'Etat n'est pas morte. Pourquoi ? Non pas par une forme de rousseauisme qui ne prospère plus que dans les milieux socioculturels mais, au fond, parce qu'un jeune est vu aujourd'hui avant tout comme un consommateur et qu'il doit apprendre, d'abord, à respecter la loi de l'argent et non le contrat social. Le rite initiatique, c'est la prise de possession des biens symboliques, qu'il s'agisse de la BMW noire, de sape, de Coca Light ou d'autre chose. Et la pression des media, qui font en permanence irruption dans sa vie quotidienne, est bien plus forte que celle des acteurs traditionnels de l'éducation, souvent eux-mêmes affaiblis. Comment dès lors s'étonner que dans une partie où l'enjeu est fort mais où tout le monde triche parce que les règles du jeu social sont oubliées ou méprisées, la tentation soit grande pour ceux sur qui pèse un handicap social et racial de prendre le plus court chemin, celui de la violence ?
Dès lors, l'avenir n'est pas dans des mesures ponctuelles qui ne s'intéressent finalement qu'aux symptômes du mal, encore moins dans les cocktails à base de discours musclés, de statistiques travaillées, de rodomontades et de mesures ponctuelles. Ce n'est pas principalement à la police de résoudre les problèmes : elle fait son travail de chien courant de la société et le plus souvent elle le fait bien. C'est à une politique intégrant l'ensemble de la gouvernance nationale, à court comme à moyen terme, qu'il revient de restaurer le concept et la pratique d'une éducation adaptée au XXIème siècle. Quelles pourraient en être les bases ?
Une première ligne d'action pourrait consister à recenser les acteurs réels de l'éducation au sens le plus large du terme, ce qui permettrait sans doute de se rendre compte que les media, les centres sociaux ou aérés, la publicité conditionnent aujourd'hui au moins autant la population et particulièrement les jeunes que les influences normatives traditionnelles : famille, religions, école. Il s'agirait également de mener une réflexion aussi approfondie que possible, au travers d'une sorte de Grenelle de l'éducation qui rassemblerait tous ces acteurs, sur les principes mêmes de leur intervention : responsabilités, démocratie, déontologie, promotion sociale ou respect de l'Homme, par exemple. Les jeunes eux aussi devraient y être représentés, l'ensemble constituant un laboratoire social cherchant à reconstituer les mouvements actuels de notre société.
Une seconde ligne pourrait être, précisément, de reconstituer la logique de l'action éducative. Parmi les effets négatifs du vaste mouvement de gouvernance foisonnante qui secoue actuellement l'Europe, il y a aussi des conséquences négatives. Ainsi, plus personne ne sait vraiment qui a la responsabilité d'organiser logiquement une société autour d'un contrat social à peu près clair qui structure récompenses et sanctions par rapport à un comportement. Il ne que d'observer ce qui se passe dans tel ou tel Conseil Général et dans de nombreuses communes, où les rodomontades sécuritaires des élus coexistent en permanence avec le message socio-culturel du type le plus classique propulsé par leurs propres services. Or, comment attendre un comportement social cohérent de gens, jeunes ou non, qui, en sanction de la même attitude, se voient simultanément vilipendés et valorisés, récompensés et punis ?
Un troisième chantier nous paraît également à ouvrir, celui du sens de la citoyenneté. La doctrine de la soi-disante "mondialisation", terme à qui l'on donne aujourd'hui complaisamment une connotation normative, se répand insidieusement. Il s'agirait aujourd'hui de rendre par principe à l'intérêt privé tout ce qu'il est possible de lui rendre. Dans quel but ? Pour être "plus efficaces" ? Et pourquoi être "plus efficaces" ? Pour pouvoir faire face à la mondialisation. Comment ? En rendant le le travail plus "flexible", autrement dit en refaisant de l'entreprise un lieu de rapport de forces et d'exploitation et non en lui donnant une efficacité fondée sur le consensus social. L'antidote au retour des théories de droite les plus classiques, camouflées ou non sous un vocabulaire de circonstance (mondialisation, réforme, rupture, flexibilité), c' est l'intelligence des comportements. C'est aussi la gratuité sociale telle qu'elle pourrait par exemple s'exprimer dans un nouveau service national ou une nouvelle définition du service public et de ses périmètres.
Pour que des normes vaillent, il faut aussi les moyens de les appliquer et de les faire respecter. Comment y parvenir dans un pays où les budgets de la Justice et parfois de l'Intérieur sont systématiquement considérés comme un parent pauvre et où l'on laisse les juges vivre au milieu du bricolage et de l'isolement social avec les redoutables conséquences qiue cela entraîne. Comment faire respecter les principes d'un Etat de plus an plus souvent cité en justice internationale et où les conditions de vie dans les centres de rétention, certains commissariats et de nombreuses prisons sont dégradantes ? Comment crédibiliser une police si la mixité sociale n'y est pas suffisamment respectée ? Il faut en finir avec un système ou l'argent va de plus en plus et sans contrôle de fond aux "gros" ministères et où les "petits" sont de plus en plus écrasés. Laisser des rapports de force administratifs s'exprimer ainsi, c'est la négation même de la politique et faire de la France un état mandarin.
Il y a aussi l' Ecole, bien sûr car pour penser aux nouvelles bases éducatives que sont l'Information, les collectivités territoriales, l'expérience internationale, il ne faut pas en oublier les piliers traditionnels. Là aussi, un puissant mouvement de réflexion est indispensable car les choses se sont terriblement ossifiées. Il faut me semble-t-il rassembler les personnels de l' Education Nationale autour de leur coeur de métier : un enseignement efficace et neutre. Mais laïcité ne veut pas dire absence de principes moraux et il n'y a pas de raison de bannir des écoles publiques l'enseignement diversifié et contrôlé des religions et philosophies, alors qu'on prétend aujourd'hui, à "gauche", contraindre les villes à financer avec de l'argent public les établissements confessionnels locaux..voire même étrangers à la commune et les laisser en dehors du champ des lois... sur la laîcité !
Quant à la Famille, il y a là aussi beaucoup à faire. La Gauche, prisonnière comme souvent du fétichisme des mots, tend à l'abandonner, avec l' armée, la sécurité, les agriculteurs, les métiers de bouche, la chasse ou la promotion du français, à un prétendu "domaine réservé" de traditionnalistes voire de nostalgiques du pétainisme. C'est le contraire qu'il faudrait faire : la famille est aujourd'hui évolutive, multiforme, vulnérable et se définit souvent de façon plus économique que sociale. Elle est en même temps riche de potentialités. L'adoption internationale s'est développée, les couples se forment sur des bases différentes, l'homme ne joue plus nécessairement le même rôle dans l