L' Hôpital de Chaville, Saint-Cloud, Sèvres et Ville d'Avray est le résultat de la fusion entre le Centre Hospitalier de Saint-Cloud et le Centre Hospitalier Intercommunal Jean Rostand à Sèvres. Son premier Conseil d'Administration devrait se tenir le 23 mars prochain à Saint-Cloud. A la veille du démarrage de ce nouvel établissement, il est sans doute utile de réfléchir aux conditions nécessaires de sa future réussite.
Contrairement à un hôpital de l'Assistance Publique de Paris (AP/HP dans le jargon hospitalier), un hôpital communal ou intercommunal est très souvent enraciné dans la culture locale. Ce n'est pas pour des raisons financières, car les communes ne contribuent pas, ou marginalement seulement, au financement des établissement qui provient pour l'essentiel du ministère via l' Agence Régionale de l'Hospitalisation. Mais les questions immobilières, le logement local d'une bonne partie des médecins et agents et surtout la présence d'élus locaux au Conseil, autrefois systématiquement présidé par le maire du lieu, y contribuent fortement.
Cela peut être un avantage mais aussi parfois un inconvénient, la tendance des élus pouvant être de confondre à la longue les intérêts politiques voire (exceptionnellement) personnels et ceux du service public dans le bassin de population concerné. Comme dans les entreprises privées, les compromis peuvent à la longue se transformer en compromissions. L'autre danger est celui, bien connu, du campanilisme qui consiste à faire prévaloir des considérations de prestige, d'emploi local ou d'importance réelle ou supposée des communes au point de compromettre la survie d'établissements ne présentant plus les garanties d'une sécurité optimale, aujourd'hui exigée par tous pour des raisons à la fois médicales et juridiques.
D'autre part, les hôpitaux locaux, contrairement à l'AP/HP, n'ont généralement pas la taille qui leur permettrait de disposer d'un contrôle interne suffisant. La compétence et la disponibilité des élus y sont d'autre part très variables alors que la technicité sociale, financière et opérationnelle du management d'un hôpital public est élevée. Or, c'est l'"attelage" entre une direction de haute qualité éthique et technique, des élus à l'écoute et compétents et un personnel médical ou non médical motivé et respecté, qui est essentiel au bon fonctionnement d'une hôpital intercommunal.
Il convient donc de veiller, lors d'une nouvelle création, à ce que les mauvaises habitudes, s'il y en a, soient éradiquées ou tout au moins combattues et que l'on ne confonde pas une fusion, qui peut être une bonne chose pour tout le monde à terme, avec l'absorption d'un établissement par un autre, qui ne peut que générer un mauvais climat et compromettre les chances de succès.
C'est d'autant plus nécessaire que les nouvelles règles de fonctionnement des hôpitaux, établies dans le but principal de diminuer la dépense publique en favorisant, entre autres, les regroupements, comportent des aspects positifs mais aussi de redoutables effets pervers. Ainsi, les règles actuelles de l'autofinancement par le biais de l'activité (T2A) présentent deux inconvénients : elles favorisent des activités artificiellement définies comme "rentables" mais qui ne sont pas forcément les plus utiles socialement et elles ne mettent pas vraiment les secteur public, qui travaille avec du personnel à statut et les établissements privés.
Il convient dès lors de garder en perspective que ces règles, même si elles doivent être prises en compte, ne constituent pas des tables de la Loi. Pour autant, elles incitent à la responsabilité des établissements. Dans la gestion de leurs investissements par exemple, il est hors de question de prendre en compte de façon significative des intérêts communaux, l'hôpital n'étant nullement propriété de la commune et son management, fait d'équilibre permanent entre les intérêts parfois antagonistes de différentes catégories de collaborateurs, étant par nature très différent de celui d'une collectivité territoriale où l'autorité de l'élu n'est en général guère contestée. Or la gestion des investissements est un point crucial car il met en jeu des ressources éventuellement non pérennes, des techniques médicales évolutives, des exigences de sécurité, et pour finir le "rendement" défini au travers des taux d'activité.
D'autre part, il est hors de question se s'abstraire, au nom de la facilité ou de vagues traditions locales, des règles impératives de l'urbanisme, des marchés publics, des satuts des personnels ou des établissements ou encore de la dévolution des bâtiments publics. Diriger un hôpital est dans ce contexte un vrai métier que les élus des conseils d'administration doivent savoir respecter mais aussi contrôler, sous peine de s'attirer un jour à eux-mêmes des difficultés.
"Ca passe ou ça casse" est un très mauvais principe dans ce domaine, car ça finit toujours en général par casser et en plus généralement au mauvais moment. Ce n'est pas pour rien que la presse fait régulièrement état de dérives financières ou autres au sein de certains établissements publics, qu'ils soient ou non de l'AP/HP et cela n'est pas bon pour l' hôpital public, où pourtant de très nombreux personnels et médecins de haute qualité se dévouent quotidiennement dans un environnement difficile.
Au moment où un établissement qui compte des milliers de patients et des centaines de collaborateurs va officiellement voir le jour, sachons privilégier l'éthique et la qualité voire l'exigence car une chance nous est offerte, avec un concours raisonnable de la tutelle, de faire vivre dans notre secteur des Hauts-de-Seine une image positive du service public hospitalier. Disponibilité et écoute attentive des élus, esprit collectif et positif de la communauté médicale, respect du statut et des conditions de travail de tous les personnels, collaboration exigeante mais positive avec la tutelle, confiance dans une direction assurée et compétente mais humaine en sont, me semble-t-il, des ingrédients indispensables.