En écoutant les finalistes et le demi-finalistes de l'élection présidentielle, on est bien obligé de faire un constat : la France est restée le royaume du Verbe, la République des mots. Sous l'empire des petites phrases qui fustigent, égratignent, blessent et peut-être bientôt assassinent, peu de place pour des propositions concrètes, à plus forte raison pour une vraie révolution dans les domaines les plus sensibles de la vie quotidienne : logement, revenu, service public, retraite. Car derrière les promesses il faudra des moyens et c'est là que le bât blesse. L'omniprésent marketing politique ne s'intéresse guère à des sujets qui pourraient fâcher ou être mal compris comme la défense nationale, la justice, l'urbanisme et les transports. Mieux vaut semble-t-il pour les états-majors, administrer des principes et se concentrer -c'est après tout assez légitime dans une élection présidentielle- sur la personnalité supposée des candidats.
Il y a pourtant une grande différence entre Ségolène ROYAL et Nicolas SARKOZY : le risque que prend la France. Après les présidentielles viendront les élections législatives qui selon les cas donneront à l'élu(e) les moyens de la politique qu'il(elle) esquisse aujourd'hui ou au contraire viendraient équilibrer le premier choix au travers de la fameuse "cohabitation". Si Ségolène ROYAL est élue, la majorité sera ouverte car élargie au centre mais elle permettra tout de même d'agir dans le sens du progrès et de l'union. Elle permettra une fertilisation réciproque des idées et un apaisement social indispensable à la marche en avant. Si Nicolas SARKOZY est élu, le scénario est différent. On voit mal l'intéressé supporter une cohabitation qui obérerait sa seule motivation perceptible : l'exercice du pouvoir. Et si les législatives lui étaient en plus favorables, c'est la prolongation de la situation actuelle, avec le frein démocratique en moins. Et l'on peut en avoir déjà un avant-goût de ce que serait une UMP totalitaire avec l'OPA agressive sur les députés UDF, le comportement par rapport aux media ou le discours pétainiste qui ne choque plus.
D'un côté le vertige d'une "vraie droite" à l'américaine qui ne pourra que remettre en cause, progressivement, les grands acquis et même la devise de notre République, de l'autre l'entrée de la France dans le concert politique européen. D'un côté la prise en compte d'une vraie difficulté de vivre qui touche toujours davantage de Français, de l'autre un remake du "s'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche !". Une loi sur le droit au logement opposable mais pas de logements à Neuilly, circulez ! Forgeard touche le megasuperjackpot pour avoir fait la preuve de son incompétence et mis les salariés d'EADS au chômage, c'est normal ! En ce Premier Mai, c'est la "valeur" Travail à deux vitesses qui nous est promise par le nouveau Saint Nicolas. Comment une telle vision, un tel discours, une telle pratique aussi, hélas, pourraient-elles ne pas se terminer par une explosion sociale, à la consternation de nos partenaires européens ? Et qui ramassera les morceaux ?
Voter Ségolène ROYAL dimanche prochain, ce n'est pas seulement choisir la voie du coeur, c'est aussi prendre celle de la prudence et de l'efficacité sociale.
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