Un humoriste allemand, Wilhelm Busch, avait écrit un délicieux petit livre illustré : Schein und Sein. Etre ou paraître, en quelque sorte. C’est sur ce registre, plutôt que sur le registre plus grave du To Be, or not To Be, qu’il convient peut-être de réfléchir à la situation politique actuelle, qu’elle soit nationale, régionale ou locale, une situation où, de fait, la superficialité et l’apparence finissent par devenir totalitaires, au grand dam de notre pays et de bien d'autres.
Avec l’élection présidentielle, les Français s’étaient laissés convaincre par un certain discours et ses mimiques.
Après des années de gouvernement d’UMP 1, UMP 2 allait enfin réformer la France, prisonnière de son incorrigible conservatisme, colbertiste ou syndical. Les travailleurs allaient enfin commencer à travailler plus, pour gagner plus. Il faut croire qu’après cinq ans de Droite, ils continuaient en effet à paresser et à ne pas dépenser assez ! Qu’adviendrait-il des autres et que demanderait-on aux patrons ? Personne ne le disait.
On allait pratiquer des coupes claires dans les services administratifs pléthoriques et inefficaces qui paralysaient les chefs d’entreprise et le dynamisme des jeunes créateurs, le travail de l’éducation nationale et la bonne gestion de la médecine publique.
La rigueur financière allait faire son apparition : foin de la démagogie face au corporatisme des médecins ou des fédérations patronales, foin de la faiblesse face aux syndicats ou aux grands groupes de distribution.
A l’instar de Charles Martel, Brice Hortefeux et ses fonctionnaires allait défaire la marée noire des Sarrasins divers menaçant l’emploi et la culture nationaux, en un nouveau Poitiers plus glorieux sans doute que celui de Raffarin.
A l’international, le président-démiurge se chargerait de restaurer l’image de la France mise à mal par des années de chiraquisme, retrouver la confiance des Etats-Unis et grâce à un ministre des affaires étrangères compétent et responsable, assister ces derniers dans le combat contre les forces du Mal.
La France allait enfin relancer l’« Europe », que l’inconscience des Français avait bloquée.
Et par-dessus tout ça il y avait le style, ce style à la hussarde avec kolback, brandebourgs, sabre et sabretache, qui plaisait déjà sous l’Empire. Les hussards sont séducteurs, c’est bien connu mais un jour ils se rangent et nous avions regardé, bouche bée devant la télévision, l’attendrissant spectacle d’une famille d’autant plus unie qu’elle était recomposée. De ce côté-là aussi, déjà grandi par ses bottes de cavalier, le Chef assurait et rassurait.
Las, patatras ! Quelques mois seulement après ce réjouissant début, le château de cartes commence à branler et que ce soit au niveau du Travail, de la Patrie ou de la Famille, les choses vont semble-t-il beaucoup moins bien.
Les Français sont gens responsables et ils savent bien, comme les autres Européens, qu’on ne peut dépenser plus qu’on a, que ce soit à court ou à moyen terme. Mais ils comprennent aussi que si la nouvelle politique du travail flanche déjà, ce n’est pas parce quelques favorisés s’arc-boutent sur leurs privilèges.
C’est parce l’exemple désastreux donné par de hauts dirigeants – parfois issus de l’administration d’ailleurs- à qui le gouvernement a promis en quelque sorte un sauf-conduit pour leur mauvaise gestion voire certains actes délictueux, enlève toute crédibilité à la nouvelle politique. M.Spineta, et il est très loin d’être le seul, qui vante à ses personnels les mérites de l’austérité maintenue, n’a pas eu besoin de travailler quatre fois plus pour gagner quatre fois plus et il n’est jusqu’aux députés d'UMP 2 qui n’ont pas craint, dans le climat actuel, d’envisager à leur bénéfice un nouveau régime spécial de retraite. Le travail à deux vitesses, c’est bien ça la réalité de la droite, même si elle a trouvé un très bon commercial pour vendre ce vieux produit dont plus personne ne veut. Il en va d’ailleurs de l’entreprise, mise d’avance à l’encan avant même d’exister.
La Patrie n’est pas mieux lotie. Comme bien des gens à gauche, hélas, le nouveau gouvernement estime que l’ « Europe » est une affaire beaucoup trop sérieuse pour la laisser aux mains du peuple. Seuls les Parlements peuvent en juger, bien placés qu’ils sont pour juger seuls et définitivement, sur la base de majorités introuvables, de questions aussi essentielles dans un pays comme la France que l’identité culturelle, les intérêts stratégiques autres que commerciaux et financiers et les conséquences économiques pour la masse de la population d’un consensus sur une qui reste d'abord celle des Marchands.
Ce véritable camouflet à la face du peuple français, quelques mois seulement après qu’il se soit clairement prononcé, démontre assez à quels intérêts véritables répond l’actuel gouvernement. Là où cela deviendra intéressant, c’est quand l’on reparlera, sous l’égide du consensus mou européen, de toutes les questions non renégociées qui avaient pourtant lieu de l’être. Ainsi, l’"association" évolutive avec la Turquie, le sort des investissements français en matière de défense, les restes du service public en France, la place du français en tant que langue européenne internationale et bien d’autres encore. Quelle naïveté pourtant que de croire que l’on peut shangaïer[1] soixante millions de gens dans un bateau sans qu’ils puissent choisir leur capitaine !
Quant à la Famille, tout le monde sait ce qu’il en est. A l’ère des familles recomposées, personne peu ou prou n’éprouvera le besoin de faire la leçon au président de la République ou d’ailleurs à d’autres. Mais pourquoi et au nom de quoi faut-il toujours se livrer à destination du bon peuple à cette lamentable comédie consistant à grand renfort de média à faire croire avant une élection ou à son lendemain à un couple uni alors que les avocats ont déjà négocié les termes du divorce, à terre ou en mer ? Ce qui est beaucoup plus grave, c’est que lorsqu’il s’agit de vraies familles, mariées ou non, qui ont le malheur d’être immigrées, l’attitude « people » fait place à l'inhumanité la plus totale ainsi qu’en témoigne le fameux amendement ADN. On n’a pas peur de les déchirer, ces familles-là ou de pousser certaines à des actes désespérés. Mais peu importe : les journalistes ne sont pas convoqués aux ratonnades contre des gens sans défense…
La valeur Travail est à deux vitesses, la Famille est devenue un sujet people et la Patrie est momentanément mise au rancart, en attendant que les Français se réveillent…patriotes « européens ». Un programme de droite classique qui vacille déjà, en somme, mais dont les méthodes, malheureusement, ont un arrière-goût très désagréable qui rappelle fort les promoteurs du sinistre triptyque : du ministère de l’Immigration et de ses statisticiens ethnisants à la soumission aux milieux d’affaires, du populisme aux rodomontades internationales, de l’attirance évidente pour le corporatisme à l’obsession de la propagande, on retrouve là des thèmes qui ne rappellent que trop la Révolution Nationale.
Qu’on nous comprenne bien. Il ne s’agit pas de regarder avec une joie sardonique les difficultés de ceux qui s’attellent aux responsabilités. Pour en faire partie à notre modeste niveau, nous savons bien que la volonté de faire essuie nécessairement les feux croisés de bien des gens et que le moindre maire de banlieue a son Iznogoud prêt à tout pour être enfin calife !
Non, nous croyons, tout simplement, que cette politique est erronée dans son fond plus encore que dans sa forme et qu’elle ne pourra pas durer parce qu’elle est incohérente, conformiste sous couvert de « réforme », injuste et dépourvue d’imagination. Elle ne pourra pas durer car ne représente que l’apparence superficielle de la France, non son être profond généreux, autonome et imaginatif.
Si l’on met à part le style « road-show » du nouveau président, où se situe en effet la différence profonde entre la politique « UMP 1 » et la politique « UMP 2 » qui est censée être suivie par Nicolas Sarkozy et ses amis d’hier ou d’aujourd’hui ? En quoi consiste cette révolution nationale de la droite par rapport à la droite ?
Fondateur de l'UMP, Chirac aussi avait promis, avec les mêmes acteurs politiques, des baisses d’impôt, des réformes diverses et variées, le redressement des comptes nationaux, la liquidation du « déficit » de la sécu et plus d’« Europe ». A vrai dire, il avait à peu près tout promis de ce qui peut se promettre....
La différence théorique réside donc, principalement, dans un volontarisme politique plus affirmé et le choix d’exécutants différents. On peut la voir aussi, marginalement, dans l’insistance à vouloir tenter de mettre en œuvre certains thèmes de campagne peu ragoûtants comme la Lutte contre l’Immigration ou la substitution du politique au Droit. Les conséquences en sont simples.
Toute nouvelle politique française doit prendre en compte certaines réalités.
Tout d’abord la banalisation de la France en Europe et a fortiori dans le monde faute de la reconstruction préalable mais nécessairement lente d’un rapport de forces adéquat, plus favorable à notre pays. C’est ce que beaucoup désignent sous le nom de mondialisation, mais encore faut-il quelles conclusions en tirer : laisser-aller au fatalisme d’un monde sans pilote ou volontarisme politique reconstructeur ?
Ensuite, le fait que nos valeurs républicaines, politiques et culturelles ne sont pas totalement solubles dans le sous-ensemble flou de l’Europe même si elles peuvent s’y associer, sauf naturellement si nous nous suicidons politiquement : c’est ce que les résultats du referendum français signifie et que la plupart de nos politiques refusent de voir.
Enfin, il est impossible de fonder à long terme le devenir d’un pays pilote d’une culture originale et mondiale sur des considérations à court terme principalement fondées sur la déification de l’économie de marché qui est en fait devenue chez nous une économie de consommation, ce qui n’est à mon avis pas la même chose.
Or, tel n’est pas du tout le cas de la politique actuelle, qui fonde une analyse superficielle sur des postulats non vérifiés et des croyances magiques.
Décréter la croissance dans un contexte d’économie européenne « solidaire » est bien évidemment impossible si les caractéristiques de l’économie française par rapport à ses consoeurs ne changent pas. Ainsi, surfer sur l’évolution du prix du pétrole (destructeur à terme d’une économie encore beaucoup trop centrée sur l’automobile) pour rencontrer des objectifs budgétaires contraints de l’extérieur est peu responsable et ne peut que lever un mécontentement social profond, surtout dans une économie de consommation et qu’on souhaite maintenir telle, en plus. On retrouve ici une caractéristique du sarkozysme : la fuite en avant.
S’imaginer que jouer le rôle de faux supplétif des intérêts américains rapportera à la France est une dangereuse erreur car elle est incohérente avec certains credos professés par ailleurs, avec ce qui reste de la tradition d’un parti gaulliste et de la haute administration française. Elle nous aliénera d’anciens ou de nouveaux amis et peut même refaire de la France un objectif pour le terrorisme sans pour autant affaiblir celui-ci. Tout cela, par méconnaissance profonde des réalités proche-orientales, iraniennes ou afghanes. Pour autant, les Républicains américains ne nous feront vraiment confiance que lorsqu’ au-delà des belles paroles nous leur aurons donné des gages sérieux, et c’est bien là que le bât blesse.
La stupidité du principe « il y a trop de fonctionnaires », autrement dit, au moment même où le monde des affaires bruisse de gaspillages éhontés, d’injustices scandaleuses, de magouilles financières diverses, de soutenir qu’il faut prioritairement tailler, sur la base de la décimation, dans le service public qui menacerait l’avenir du pays est évidente. A quand la « réforme » du secteur privé français, qui a déjà donné de trop nombreux exemples de malgestion aux dépens de l’économie nationale et du pouvoir d’achat de tout un chacun ?
Ce n’est pas d’un éventuel trop-plein dans certaines grandes administrations ou du coût des régimes spéciaux que souffre d’abord la France (ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien y faire !), c’est du caractère superficiel et publicitaire de ses dirigeants. Et le terme même de « déficit de la sécu » est aberrant : par définition, tout service public est fondé sur une péréquation et ce qui importe, c’est d’en gérer la proportionnalité aux moyens et la justice sociale, non la destruction du principe.
Dès lors, où devrait être la vraie réforme, qu’on pourrait même appeler une révolution tranquille ? Elle résiderait dans une analyse tout-à-fait différente, inspirée par une vision sociale et universelle et par la réhabilitation de la notion de Plan.
La reconstruction des rapports de force entre notre pays, pilote d’une culture originale, et son monde extérieur, proche ou non, est un préalable nécessaire. C'est l'antithèse de l'assimilation à marches forcées de la France au « système européen » même s’elle doit y vivre en harmonie avec les autres pays.
Cette reconstruction passe par une analyse stratégique et non simplement tactique ou publicitaire fondée sur la reconquête systématique et progressive des marchés politiques, culturels, économiques, commerciaux, de défense, mettant en harmonie ces différents éléments au lieu de le faire de façon erratique comme dans la politique actuelle. Ainsi, plus question de s’engager militairement à l’endroit X dans intérêts culturels concomitants ou de s’engager culturellement sans intérêts économiques associés au lieu Y. Pourquoi faire l’impasse sur des pays où notre influence est potentiellement réelle et historique et se précipiter sur des zones où nous n’avons que des coûts et des coups à prendre et aucun espoir d’installer une influence pérenne ? Le véritable dynamisme économique est à rechercher dans une sortie « par le haut » : expansion conquérante du « chiffre d’affaires » national et non discours grandiloquents suivis, après l’inévitable confrontation au réel, par ce qui ressemble fort à des économies de bouts de chandelle accompagnées d’une démotivation générale.
Elle se fonderait, sur le développement et l’exploitation de nos talents d’aujourd’hui et de demain. Il est donc stupide, par exemple de dissocier voire d’opposer recherche fondamentale et recherche appliquée ou d’éclater par principe le développement universitaire sans coordination préalable de ce développement.
La stupidité du principe « il y a trop de fonctionnaires », autrement dit, au moment même où le monde des affaires bruisse de gaspillages éhontés, d’injustices scandaleuses, de magouilles financières diverses, de soutenir qu’il faut prioritairement tailler, sur la base de la décimation, dans le service public qui menacerait l’avenir du pays est évidente. A quand la « réforme » du secteur privé français, qui a déjà donné de trop nombreux exemples de malgestion aux dépens de l’économie nationale et du pouvoir d’achat de tout un chacun ?
Ce n’est pas d’un éventuel trop-plein dans certaines grandes administrations ou du coût des régimes spéciaux que souffre d’abord la France (ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien y faire !), c’est du caractère superficiel et publicitaire de ses dirigeants. Et le terme même de « déficit de la sécu » est aberrant : par définition, tout service public est fondé sur une péréquation et ce qui importe, c’est d’en gérer la proportionnalité aux moyens et la justice sociale, non la destruction du principe.
Dès lors, où devrait être la vraie réforme, qu’on pourrait même appeler une révolution tranquille ? Elle résiderait dans une analyse tout-à-fait différente, inspirée par une vision sociale et universelle et par la réhabilitation de la notion de Plan.
La reconstruction des rapports de force entre notre pays, pilote d’une culture originale, et son monde extérieur proche ou non est une démarche préalable et incontournable. Elle est antinomique avec son assimilation à marches forcées au "système européen", même si la France doit y vivre et y prospérer en harmonie avec ses voisins.
Cette reconstruction passe par une analyse stratégique et non simplement tactique ou publicitaire fondée sur la reconquête systématique et progressive des marchés politiques, culturels, économiques, commerciaux, de défense, mettant en harmonie ces différents éléments au lieu de le faire de façon erratique comme dans la politique actuelle. Ainsi, plus question de s’engager militairement à l’endroit X dans intérêts culturels concomitants ou de s’engager culturellement sans intérêts économiques associés au lieu Y. Pourquoi faire l’impasse sur des pays où notre influence est potentiellement réelle et historique et se précipiter sur des zones où nous n’avons que des coûts et des coups à prendre et aucun espoir d’installer une influence pérenne ? Le véritable dynamisme économique est à rechercher dans une sortie « par le haut » : expansion conquérante du « chiffre d’affaires » national et non discours grandiloquents suivis, après l’inévitable confrontation au réel, par ce qui ressemble fort à des économies de bouts de chandelle accompagnées d’une démotivation générale.
Elle se fonderait, sur le développement et l’exploitation de nos talents d’aujourd’hui et de demain. Il est donc stupide, par exemple de dissocier voire d’opposer recherche fondamentale et recherche appliquée ou d’éclater par principe le développement universitaire sans coordination préalable de ce développement.
Elle passe par la constatation et la mise en perce d’une vocation toute simple : l’avenir de notre pays est « off-shore », dans une vision océanique et mondiale, par opposition à une vision hexagonale et étriquée qui vise à la faire rentrer dans le rang et devenir un pays lambda, appliquant sagement les recettes d’une politique chrétienne-démocrate définie par d’autres et qui ne sauraient faire l’affaire d’un pays comme la France, pilote d’une culture mondiale. D’où probablement l’obstination des conformistes de droite et de gauche à vouloir s’asseoir sur le « non » de 55% des Français. Mais à quoi bon, ici aussi, s’asseoir indéfiniment sur le couvercle de la cocotte en spéculant sur la lassitude citoyenne : ça ne marchera pas !
Elle s’appuierait sur l’expansion d’une culture partagée avec beaucoup d’autres pays européens ou non, sur l’instauration progressive d’une économie morale et intelligente, partagée entre le privé et le public.
Les mesures vichyssoises en matière d’immigration doivent faire place à la construction d’une politique « européenne » humaine et intelligente (dans ce cas, la variante européenne est obligatoire puisqu’il s’agit d’un concept géographique et que des textes ont été signés). En tout état de cause, dans l’état actuel d’une économie sociale qui refuse de payer le prix de la pénibilité du travail ou de la qualité de l’alimentation, l’étranglement des flux d’immigration n’est pas une priorité autre que démagogique.
A quoi sert que les politiques disent « non » si les patrons disent « oui » alors que les seconds manipulent les premiers ?
Elle a aussi pour corollaire le dialogue avec les autres grandes cultures, l’échange des hommes et des savoirs, la conquête contrôlée et gérée de nouveaux espaces, la remise en place d’un urbanisme intelligent incluant les déplacements et l’ensemble des activités humaines, de principes stables et justes en matière d’agriculture, de pêche, d’industrie.
Bref, ce Plan pour la France qu'il nous faudrait, c'est en grande partie le contraire de la politique actuelle, que ce soit au niveau de la conception ou de la pratique.
Pourquoi la nouvelle politique devra-t-elle nécessairement être de gauche ? Il y a en vérité de nombreuses raisons à cela. En voici quelques-unes.
La première, c’est qu’une gouvernance moderne et démocratique implique nécessairement une authentique adhésion, faute de quoi tout le système galope à faux. Soit il s’appuie sur une participation insuffisante, comme aux Etats-Unis, soit la démocratie représentative outrepasse son rôle exemple avec la facilité déconcertante avec laquelle l’actuel gouvernement et sa majorité introuvable pratique la fuite en avant. Or c’est la gauche, à condition qu’elle se souvienne qu’elle doit sans préjugés soutenir toutes les causes difficiles, qui est le mieux en mesure comme elle l’a fait dans le passé et récemment lors du référendum, d’assurer une adhésion profonde parce fondée sur la confiance.
La seconde, c’est que l’économie moderne est encore fondée sur une logique de consommation importée, dont participe nécessairement l’ensemble de la population et particulièrement les revenus les plus faibles. Or le niveau de vie, comme on le voit actuellement, a besoin d’être protégé. Que voit-on actuellement ? Les logiques de la droite politique et celle des milieux d’affaires européens –qui ne sont même plus le patronat, car le capital se dissocie progressivement de l’entreprise- s’entrechoquent. Les uns en veulent à l’immigration et s’imaginent que les réserves de productivité nationales se trouvent dans la baisse de la protection sociale ou dans quelques postes de fonctionnaires excédentaires, les autres veulent au contraire réduire le coût du travail et priver l’Europe de toute production industrielle ou alimentaire au nom des marchés : l’Europe des marchands dont parlait déjà le Général. Ici aussi, c’est à la gauche d’intervenir, dans une logique keynésienne qu’il faudrait adapter et développer.
La troisième, c’est que l’investissement éducatif, et non seulement pédagogique, est devenu plus essentiel que jamais dans un monde d’apparences, de propagande, d’adaptabilité aussi.
Et qui veut, ou devrait vouloir véritablement investir dans l’éducation et non la réduire à l’essentiel productif ? La gauche. Qui devrait se concentrer sur un vaste programme éducatif mondial qui envoie à nouveau les enseignants en français, mais qui pourraient aussi être maghrébins, malgaches, suisses, belges ou canadiens, de par le monde pour investir culturellement et donc à terme, économiquement ? Qui pourrait penser à autre chose qu’à rogner des postes à l’Education Nationale ou à la Justice comme si c’était cela qui allait motiver le système et permettre aux Français de vivre mieux ? La gauche.
A l’apparence, préférons l’être. Au populisme, le respect des volontés du peuple. A la peopleisation, l’éducation. Au superficiel et à l’agitation, préférons la construction lente et raisonnée, dans le respect de tous. Et pour ceux qui croient en la gauche et qui souhaitent qu’elle reprenne son rôle plus que jamais essentiel dans la vie politique française, préférons la créativité et l’affirmation de soi au cannibalisme fratricide ou au conformisme idéologique.
En politique aussi et sans doute plus encore que dans d’autres domaines, il faut savoir si l’on veut, de façon autonome, penser positivement et exister, ou suivre et disparaître. Mais si l’on y croit, si l’on veut, si l’on échange, alors tout devient possible, vraiment possible !
[1] A l’époque de la marine à voile, les bateaux en partance manquaient souvent de marins. Alors, la veille au soir, les gros bras du bord « recrutaient » en faisant les bars : les malheureux ivres morts se retrouvaient le lendemain matin, dégrisés, devant le maître d’équipage et à bonne distance du rivage. Shangaï était une destination favorite des trois-mâts commerciaux, d’où le nom.