Après les prisonniers, après les immigrés en situation irrégulière, après Renault, après Pôle Emploi, voici que France Télécom est elle aussi touchée par la vague des suicides, en attendant sans doute La Poste, les pêcheurs en mer, les juges d'instruction, les infirmières, les caissières et magasiniers du dimanche après-midi ou les petits agriculteurs : des dizaines voire des centaines de personnes, sans solution quant à leur devenir ou sous la pression permanente, en viennent à l'irréparable.
Sans doute est-ce de leur faute ! Pourquoi aussi, on vous le demande, se faire arrêter, venir en France pour s'y faire expulser ( sauf si l'on travaille dans un restaurant de luxe où dînent ces messieurs ), pourquoi être employé aux ASSEDIC ou à l'ANPE, pourquoi bosser dans une entreprise privatisée ou dans une supérette de chaîne ou encore pourquoi rester dans une filière condamnée par Bruxelles, pourquoi s'épuiser au service public ? Rien ne les oblige après tout !
Le gouvernement, comme chaque fois qu'il n'a pu occulter un sujet, verse des larmes de crocodile et ose même récupérer cette triste situation pour faire bonne figure et éteindre un feu pour lequel il a parfois fourni les allumettes. Avec le dernier épisode, voici la direction de France Télécom convoquée, comme les banquiers, pour se faire morigéner : "Tout cela finit par faire désordre, on va finir par avoir des problèmes, faites quelque chose ! Peut-être même, avec vos bêtises, le Président va-t-il devoir se déplacer pour réparer vos bêtises et fairer remonter les sondages.."
Mais qui est responsable ?
Qui a laissé, voire encouragé, les banques mais aussi certaines entreprises nationalisées, à sortir de leur métier et à engager pour complaire au pouvoir des politiques RH presse-citron ? Qui s'obstine par démagogie à remplir les prisons sans changer quoi que soit au fonctionnement du système carcéral et en faisant revenir la Justice en arrière ? Qui, obsédé par la privatisation des profits et la nationalisation des pertes, livre des dizaines de milliers de gens à des directions technocratiques et surpayées ? Qui a fait de la ci-devant Patrie des Droits de l'Homme la cible de plus en plus fréquente des défenseurs de ces droits ? Qui a sacrifié à Bruxelles les intérêts de corporations entières à ceux des lobbies ?
Qui mène cette politique suicidaire à terme pour notre pays, où l'obsession de faire semblant finit par l'emporter sur tout le reste : semblant d'être compétent, semblant de maîtriser une crise dont on est co-responsable par impéritie, semblant de réformer sérieusement, semblant d'avoir réalisé ce qu'on fait les autres, semblant de n'être pas raciste, semblant d'être humain...voire même (on ne rit pas) semblant d'imposer au monde des valeurs qu'on a depuis longtemps oubliées, voire foulées aux pieds..
Nous, on n'a pas envie de cette France là, de cette France de l'hypocrisie institutionnalisée et du cynisme communicationnel, d'une France où l'on ment sans cesse et où le fric est roi tous les jours de la semaine et même le dimanche. On veut construire une France où les gens n'aient plus envie de se suicider, parce qu'ils ont un avenir même s'ils gagnent peu en travaillant beaucoup et qu'ils ont des raisons d'y croire. On veut une France où, avant de faire gagner beaucoup d'argent à quelques-uns, on respecte tout le monde. Et on a les moyens d'y arriver si, on le fait ensemble, à gauche.