Il n'y a pas trois ans, une majorité de Français croyait faire le bon choix en élisant Nicolas SARKOZY président de notre République.
Quoique et depuis longtemps acteur d'une politique libérale des plus classiques, il avait su vendre l'idée qu'avec lui tout allait changer et que la Réforme allait enfin sortir le pays du bourbier, des vieilles habitudes et du laxisme (?) de la gauche.
Les Français réalisent aujourd'hui que la voie qu'il a fait prendre au pays est une impasse, que la place de la France comme puissance européenne et mondiale est menacée et surtout que le risque d'un fort recul social, économique et politique dans un pays encore relativement prospère se précise.
Il s'agit ici de démonter (I) cet enchaînement néfaste et de comprendre pourquoi, si l'on veut revenir sur la bonne route, il faut penser différemment (II) au niveau de l'Etat tout en s'appuyant sur les politiques régionales, nécessairement plus proches des besoins des gens et de leurs aspirations parce qu'elles associent mieux les citoyens à leur propre destin.
L'exemple des élections régionales (III) permettra de mieux faire vivre cette problématique et de voir comment on peut faire avancer l'Ile-de-France, avant que ce soit peut-être, en 2012, la France tout court.
Pour qu'une politique réussisse, il faut qu'elle soit robuste, cohérente et crédible.
Or, la politique de Nicolas SARKOZY, premier président à vouloir jouer l'homme-orchestre dans un pays de 65 millions d'habitants, est faible dans ses principes, incohérente dans sa mise en œuvre, et de moins en moins crédible du fait, principalement, de son style d'exercice.
Une "politique" aussi erratique que celle de l'omniprésident n'est pas facile à comprendre. Elle semble s'inspirer du libéralisme américain des années 70 : pour que les choses avancent, il faudrait "libérer" l'économie, "motiver" les décideurs économiques qu'une administration tentaculaire et une fiscalité directe excessive pénaliserait. En d'autres termes, c'est en récompensant d'avance les employeurs (ou plus exactement leurs actionnaires)avec l'argent public qu'on développera l'emploi ! Ainsi, Il faudrait privatiser tout ce qui peut l'être et réduire la capacité de service d'un service public jugé par principe inefficace et trop coûteux.
Un exemple frappant de cette "politique" a été atteint dans le traitement de l'affaire des banques qui, après avoir bénéficié successivement et pendant des années d'une surveillance laxiste de Bercy (que dirigea Nicolas SARKOZY en personne !) puis d'un énorme soutien de l'Etat, continuent de plus belle leurs spéculations...tout en faisant des économies de personnel. Le discours officiel a en effet consisté à rendre les seuls traders (et non les chefs qui les employaient) responsables de ce qui s'est passé et de les transformer en boucs émissaires auprès du public. Et hop ! le tour est joué...à quand le retour de la crise, les mêmes causes ayant dans les mêmes conditions les mêmes effets ?
Bien entendu, davantage encore que par le passé, on développe la taxation indirecte, défavorable aux plus pauvre, cependant que celle du capital et des revenus confortables diminue. De façon générale, il s'agit de tondre toujours davantage le "mouton" c'est-à-dire le grand nombre des Français les moins favorisés, et d'en vendre la laine au profit des plus malins ou des plus riches.
En termes de gouvernance, la présidentialisation est extrême, au point d'anticiper sur la loi non votée. Elle semble caractérisée par une violente envie de redonner à l'Etat tous les leviers de commande et, à travers lui, au Président.
Un réflexe typiquement droitier s'exprime sans cesse : réduire le simple citoyen à ses fonctions économiques de contribuable et de consommateur et reprendre en main les collectivités territoriales, doublement coupables d'aller dans le sens inverse et d'être majoritairement à gauche : les Patriciens veulent rogner les ailes des tribuns du Peuple pour pouvoir mieux mettre oeuvre leur devise...faire travailler plus, pour gagner, eux, plus !
Quant à la politique extérieure, il ne paraît pas exagéré d'affirmer qu'elle est purement et simplement atlantiste, quoique anglophobe.
On voit bien qu'il s'agit là d'une politique de tropismes et non de principes qui ne se fonde sur aucune analyse en profondeur des ressorts de la Nation, de son potentiel, des champs qu'elle doit investir ni des nouveaux rapports de force qu'elle doit construire ou reconstruire en interne et avec le monde extérieur ou des moyens qu'il faut y employer.
La mise en œuvre de cette politique s'est révélée, en peu de temps, étonnamment incohérente.
Dans le domaine international, la France balance entre le désir irréaliste de porter la culotte dans le soi-disant couple franco-allemand et un atlantisme qui prétend se passer de Londres. Le parcours est jalonné de faux-pas et de pertes de face vis-à-vis de partenaires majeurs. La recherche d'influence est handicapée par le refus des moyens nécessaires et la démarche économique est découplée des actions culturelles ou de défense : contrairement à ce qui se passait sous de Gaulle, la politique de puissance se transforme en politique d'impuissance et la gesticulation prétend remplacer l'action, qu'il s'agisse de l'emploi du développement durable, de la coopération internationale, de la France océanique ou de la prise en compte des évolutions sociétales.
A l'intérieur, la volonté de casser l'évolution de type européen vers une gouvernance plus proche du citoyen et du contribuable, autrement dit décentralisée, est en totale contradiction avec la manie de décimer ces légions que constituent les administrations et leurs missions régaliennes et de privatiser les entreprises publiques sans tenir compte du bilan global de l'opération pour le public. Moins d'Etat utile, juste et prévoyant (ça coûte trop cher !), mais plus d'Etat inefficace, gouverné au jour le jour, pour faire des cadeaux aux grands intérêts économiques ou réparer leurs sottises ( ça rend service au patron ), c'est vraiment génial !
Les sas et les parachutes ventraux qui fonctionnent entre la haute fonction publique, les cabinets ministériels et les grands états-majors d'affaires n'ont d'ailleurs jamais aussi bien fonctionné et l'ENA a été dévoyée de sa fonction première, servir l'Etat, pour devenir une carte de visite en direction du privé...pour un régime d'inspiration soi-disant libérale, c'est un comble !
Côté fiscalité, on poursuit une politique de déficits de plus en plus abyssaux (la dette de l'Etat a augmenté de 20% en 2 ans), dont l'origine est très largement due à deux raisons : le refus d'augmenter raisonnablement les impôts directs corrélativement avec le revenu des citoyens les plus modestes et les invraisemblables cadeaux faits aux grandes entreprises, à la clientèle électorale de la droite et aux banques : manque à gagner et gabegie mis ensemble, les résultats à l'rrivée sont imparables !
Cette nouvelle incohérence, cette fois-ci avec le prêchi-prêcha sur la "rigueur", est ici évidente. La rigueur et la paupérisation, c'est pour le citoyen de base, pas pour les autres...
Et, last but not least, la volonté de rassemblement qui devrait aller de pair, dans un régime démocratique, avec un pouvoir personnalisé, manque. Bien au contraire, il s'agit de diaboliser à tour de rôle ou en permanence, certaines catégories de Français ( particulièrement les fonctionnaires) vis-à-vis des autres. Cette lamentable attitude revient d'ailleurs régulièrement à la surface au travers des "petites phrases" méprisantes qui disent bien ce qu'elles veulent dire : on ne vient pas du même monde, on n'a pas fait les mêmes écoles !
La manie de médiatiser, préalablement et par tous les moyens, toute action arbitrairement choisie par l'omniprésident finit par inverser le cours normal de l'action politique : l'action devient une conséquence de la communication, voire de la propagande et non ce qui la justifie. Ceci va de pair avec une instrumentalisation du Parlement, gavé de textes induits par la volonté présidentielle du moment et/ou les faits divers et que la majorité UMP/NC, mithridatisée en quelque sorte, est censée enregistrer.
De son côté, le catalogue des promesses non tenues, sauf celles qui s'adressaient aux grands milieux d'affaires, s'accroît sans cesse et le rythme de défilement s'accélère jusqu'à de venir de la cavalerie politique : il s'agit de rembourser chaque traite tirée sur l'avenir grâce à des billets à ordre payables...le lendemain.
A l'arrivée, la stratégie nationale devient l'esclave de la politique politicienne à court terme, elle-même prisonnière d'une promiscuité pernicieuse avec les media.
En gros comme en détail, l'incohérence règne.
Troisième terme de cette triste trilogie : la crédibilité du Président et ce qui est plus grave, de la France, s'effondrent inexorablement.
Les ministres semblent devenus des figurants, qui ne servent qu'à assumer vis-à-vis du public les voltes et les voltes-faces du maître de manège. A part quelques amusantes disputes entre eux, on a du mal à voir ce qu'ils apportent.
Assumés au plus haut niveau, des comportements inspirés par la mauvaise foi, le cynisme et la superficialité semblent maintenant contaminer les grands commis de l'Etat et l'état-major des entreprises nationales. Certains ex-hauts fonctionnaires devenus provisoirement fourriers du sarkozysme en arrivent même à dénigrer leurs propres troupes qu'ils estiment trop nombreuses...il est vrai qu'il ne s'agit pas de hors-classe ! Si l'on suivait ce beau raisonnement, le Service Public deviendrait une armée du Mexique où l'emploi pérenne des généraux serait garanti et rémunérateur, le reste étant constitué de soldats mal soldés, chair à canon qu'on pourrait liciencier quand on veut.
On a pu aussi voir apparaître une présentation inacceptable des déficits publics (où l'on mélange à plaisir la gestion des collectivités territoriales et celle, infiniment moins responsable, de l'Etat), les manœuvres de bas étage vis-à-vis de la Région Ile-de France ou le lancement incessant de thèmes de soi-disant débats nationaux (comme l'identité nationale, la burqa etc.) qui au-delà de leur intérêt intrinsèque, sont en fait destinés à distraire l'attention des vrais débats essentiels au quotidien et à l'avenir des Français.
Quant à la méthode de décimation des services publics –issue sans doute des méthodes romaines vis-à-vis des légions punies pour lâcheté après la bataille perdue par leurs chefs- elle est redoutable dans son principe et stupide dans son application, comme on peut en juger dans le secteur de la Santé, l'Etat n'hésitant même pas à vilipender ses propres services au travers de campagnes de presse savamment organisées, avec pour arrière-pensée évidente sa privatisation (comme les grands labos, les groupes privés de santé sont aussi des copains du régime)...Comment mépriser davantage le personnel qui y travaille dans des conditions de plus en plus dures, c'est ce qu'on peut se demander. Le mépris, c'est l'un des fondements du sarkozysme.
Comment un tel gouvernement resterait-il crédible ? Entre pragmatisme et cynisme, la frontière n'est jamais bien claire et il est facile de la franchir. Le régime actuel le fait de plus en plus souvent et ses représentants territoriaux, d'ailleurs, également comme l'exemple des Hauts-de-Seine le montre.
Triste point d'orgue d'ailleurs sur ce gâchis et qui confirme le diagnostic : le niveau des droits de l'Homme et de façon plus générale de la condition humaine en France baisse de façon constante, faisant hélas de nous la lanterne rouge des grandes démocraties.
Mise au pas du Parquet, non-respect de l'éthique de la police, conditions pénitentiaires en dégradation constante en particulier pour les mineurs, traitement inhumain et incohérent de la situation des réfugiés et des sans-papiers, justicialisation des mineurs, abus de la garde à vue concomitante avec la remise en cause des juges d'instruction, mépris et vulgarité vis-à-vis de Français non-issus de l'hexagone (et parfois aussi des autres !... Dans le contexte de paupérisation rapide d'une partie importante de la population, le tableau n'est vraiment pas brillant et fournirait une nouvelle raison, s'il en était besoin, de sanctionner le pouvoir qui en est responsable.
Bien entendu, tout en invoquant sans cesse comme prétexte à ces dérives la "sécurité", ce pouvoir se révèle depuis des années incapable de l'améliorer, tout simplement parce que sa politique est catastrophique, tant au niveau des fins qu'à celui des moyens.
Quels principes et quelles idées devraient sous-tendre la sortie de l'impasse, c'est ce que nous essaierons d'évoquer dans une prochaine note.
Les commentaires récents