Lycées : les sécuritaires… contre la Sécurité
Recherchant désespérément des points d'accroche dans la campagne régionale, le gouvernement exploite sans scrupules des drames survenus dans 3 des quelque 500 lycées de notre Région pour accréditer l'idée d'une prétendue inaction de la Région, qui serait ainsi partiellement responsable d'une insécurité lycéenne.
Rappelons donc quelques vérités toutes simples et esquissons des propositions.
Les responsabilités
- La sécurité des biens et des personnes est encore dans notre pays (en attendant peut-être d'être confiée au sacro-saint Privé, objet d'un culte vaudou des Sarkozystes), une tâche dévolue à l'Etat. Elle l'est ici doublement puisque non seulement la police et la justice sont concernées, mais également l'Education Nationale ( en fait, l'Instruction Publique), toutes dépendantes de l'Etat pour les moyens humains et matériels.
- Ce qui dépend des régions, ce sont la construction, l'entretien et la logistique des lycées, en ce compris le personnel d'intendance et d'entretien et les équipements de sécurité. Depuis que les régions ont remplacé l'Etat dans ces missions, elles sont mieux assurées* même si rien n'est parfait. Mais s'imaginer que les équipements de vidéosurveillance seuls résolvent les sujets de sécurité est évidemment un dangereux phantasme. Pourquoi pas des drones maîtres d'école, tant qu'on y est ?
Education et sécurité
- Ce qui garantit principalement la paix sociale et la sécurité de la société c'est d'abord, pour nous, une éducation forte et égale pour tous dispensée par l'Instruction Publique mais aussi par les familles et le milieu associatif. Elle doit naturellement s'accompagner d'un appareil de justice et de police disposant de moyens suffisants. Mais si, au cœur même du système éducatif, il a toujours été nécessaire de prévoir des surveillants et des médiateurs travaillant en lien avec les maîtres, la police n'a rien à faire à l'Ecole qui est un lieu libre, mais non ouvert, d'enseignement et d'éducation.
- Pour les Sarkozystes au contraire, vidéosurveillance et présence policière dans l'Ecole doivent seules pallier un risque globalisé de délinquance des mineurs. Dans leur schéma, une police purement répressive doit impressionner les jeunes à l'intérieur des établissements, les pourchasser à l'extérieur ; les prisons se remplissent aussi de mineurs et les commissariats croulent sous les gardes à vue et les consignes contradictoires. Les lycées devraient se transformer en forteresses. Des textes de circonstance inefficaces et souvent pernicieux prolifèrent au Parlement en appui de l'exploitation politique du thème sécuritaire. La culture du résultat oblige à "travailler" les statistiques.
Pour simplifier on pourrait donc dire que pour la Droite sarkozyste**, la sécurité précède une éducation utilitaire alors que pour la Gauche, c'est l'éducation générale (et non le seul enseignement) qui est une condition de la paix sociale et de la sécurité.
Actuellement, le gouvernement fait n'importe quoi : suppression aveugle de postes d'enseignants et de surveillants, mais aussi de policiers (!) dans les zones les plus sensibles. Remplacement partiel des enseignants manquants par des conbractuels non formés, des surveillants par des policiers...et comment remplacera-t-on les policiers ? Par des surveillants ou des vigiles ?
Le principe sarkozyste qui veut que chacun fasse mal le métier du voisin s'applique à fond, dans ce domaine comme dans d'autres.
Il est clair que dans ces conditions la situation ne pourrait qu'empirer, alors il ne reste qu'à incriminer la région...
Des solutions de bon sens pour une sécurité accrue
Ainsi s'expliquent des aberrations comme celle consistant à ponctionner des effectifs de police déjà insuffisants pour remplacer les postes de surveillants qu'on a supprimés ! Economies zéro, dommage maximum. C'est au contraire vers des solutions de bon sens qu'il nous faut aller et il nous semble pouvoir en énumérer quelques-unes :
- Restaurons la motivation des personnels enseignants grâce à une solidarité accrue de leur administration, sans craindre un aggiornamento des critères de notation et de mutation auquel devraient aussi participer les syndicats. Rémunérons correctement les personnels de l'EN et les responsabilités assumées, entre autres celles de direction d'établissements. Ne cherchons pas, comme le fait le gouvernement, à leur substituer des contractuels non formés.
- Ouvrons leur aussi davantage de passerelles avec les activités à l'étranger et le reste du service public : la carrière d'enseignant, comme celle de militaire, doit rester ouverte, en particulier en fin de carrière et la pression permanente, génératrice de disfonctionnements, n'est ni admissible, ni inévitable. La noble mission d'enseigner ne doit pas devenir un esclavage, encore moins un métier plus ou moins ouvertement vilipendé.
- Assurons une meilleure coordination entre les services de police, les communes ou agglomérations, les directions et les maîtres : il existe à cette fin des instances de concertation externes et internes à l'Ecole, fusionnons-les et encourageons leur utilisation : l'interdépendance dans l'indépendance devrait être un mot d'ordre.
- Respectons les métiers de chacun : professionnalisons et renforçons le corps des surveillants, tout en développant la police de proximité. La place des enseignants et des élèves est à l'école, celle des forces de l'ordre dans les commissariats et les gendarmeries mais ils doivent se parler et s'enrichir mutuellement : la porte du lycée ne doit pas être une clôture mais un sas.
- Renforçons le rôle des parents par un dialogue plus soutenu avec leurs associations, en lien avec les collectivités territoriales. Aidons-les à comprendre que le respect du maître est la base d'une société plus sûre, y compris pour eux et que la tradition de la solidarité de la famille avec le maître est, dans toutes les cultures, la bonne.
- Créons partout des conditions de vie aussi exemptes de stress que possible, qui permettent d'étudier, d'échapper à l'abrutissement généré par certains media et surtout leur utilisation immodérée, combattons tout ce qui crée de l'inquiétude, du désespoir, de l'angoisse et donc, faisons d'un bon urbanisme une priorité absolue.
- Exigeons que le gouvernement cesse d'incriminer les collectivités territoriales au nom de responsabilités qu'il assume mal ou plus du tout. Qu'il incite au contraire l'Education Nationale à adopter de meilleures règles de gestion à à revoir certaines pédagogies comme les langues étrangères ou le sport, au lieu de supprimer aveuglément des postes utiles. La vision "utilitaire" de l'enseignement est une catastrophe car elle tue l'éducation.
- Améliorons, grâce à un double service public régional de l'Orientation et de la Formation, l'intégration de tous nos jeunes dans la vie sociale et professionnelle car l'oisiveté et la délinquance se nourrissent des disfonctionnements du système.
- En attendant le rétablissement d'un service civil obligatoire, suivi d'un éventuel complément rémunéré pour tous les jeunes, donnons plus de moyens aux associations d'éducation populaire et sportives conventionnant avec l'Etat ou les collectivités dans un esprit laïque et républicain. Elles peuvent assurer un indispensable liant avec les familles et les intégrer à l'action éducative.
- La Région –comme les départements pour les collèges- fera son travail dans les meilleurs conditions si l'Etat cesse de prétendre gouverner sans financer, d'intervenir brutalement dans des champs de compétence régionaux, de remettre en cause la décentralisation et de vouloir priver les collectivités de leurs ressources propres.
De façon générale, finissons-en avec les idées caricaturales et les pratiques aberrantes du gouvernement actuel qui ne font que jeter de l'huile sur le feu.
La sécurité ne s'assure pas avec des recettes toutes faites à base de vidéosurveillance, de vigiles, de judiciarisation des mineurs. Elle n'est pas un facteur isolé, son niveau est la résultante d'une série d'actions politiques pertinentes ou non.
Elle se construit, jour après jour, sur la base cohérente d'une éducation efficace, équilibrée et complète de tous les jeunes.
Elle se fonde donc sur l'apprentissage du respect des autres par la pratique large régulière du sport, des arts, du service gratuit à la société et de la coopération internationale.
Elle nécessite la coopération active de tous les acteurs de l'éducation et de moyens suffisants donnés aux services publics concernés, dans le respect de leurs vocations spécifiques.
Elle réclame une mise en œuvre attentive impliquant les collectivités locales comme l'Etat.
Elle se contrôle au moyen d'une justice indépendante, humaine, en lien constant avec la société.
Seule une politique stable à moyen terme, accompagnée d'un retour rapide à des pratiques de bon sens comme la police de proximité, la professionnalisation des assistants de surveillance et d'éducation à l'Ecole, le soutien éducatif aux familles, le développement des activités d'éducation périphériques, pourra garantir un niveau de sécurité élevé.
Entre la logorrhée sécuritaire, superficielle et politisée, et la qualité d'un travail méthodique et commun, on l'aura compris, il faut choisir : les Sarkozystes s'obstinent à s'attacher à la première, nous choisissons la seconde.
* La Région a déjà doté 400 des 471 établissements accueillant quelque
400 000 lycéens d'équipements de vidéo-surveillance
** que nous ne confondons pas avec la Droite tout court !