Ni de réussir pour persévérer ! Même si Guillaume d’Orange n’était pas socialiste, loin de là, ce sain principe reste d’actualité. Risquons une synthèse de trois constats que l’on peut faire aujourd’hui.
A droite, pour l'instant, on s'obstine
Le premier est l’obstination de la droite à soutenir Sarkozy, malgré la démonstration par l’absurde de son erreur. Le sarkozysme se déshabille en effet tous les jours davantage devant nous, se révélant pour ce qu'il est : un ersatz, une idéologie faible dans sa conception comme dans sa mise en œuvre, dépourvue d’idéal, de nature essentiellement personnelle. Il est enfermé dans le court terme politicien, les fausses économies et une croyance tantôt aveugle tantôt hypocrite aux mythes libéraux.
Pire : devant l’échec, il dérive de plus en plus vers un populisme malsain et destructeur. Bien sûr, bien d'excellents Français conservateurs s'en rendent compte, mais "ils ne voient pas qui etc."
Pas si bêtes, les Français !
Le second c’est que l’opinion publique, si elle fait parfois le jeu de la propagande gouvernementale en reconnaissant à N.Sarkozy le mérite de se débrouiller tout seul, s’en détourne de plus en plus et semble prête à envisager un retour aux affaires de la gauche, à condition que ses multiples candidats cessent enfin de vouloir chacun ou chacune vendre la peau de l’ours. Ce ne sont pas les manipulations organisées dont ladite opinion fait l’objet qui y changeront quelque chose.
Les Français ont en effet compris et depuis longtemps, qu'il ne fallait plus chercher à droite, par principe, l'efficacité économique, sociale et culturelle.
La France existe sans ses "politiques"...
Le troisième constat, sans doute le plus réjouissant, est que différents indices nous indiquent, comme les compétitions sportives internationales après l'épisode des Bleus, qu’ une France nouvelle et décomplexée est en train de s'affirmer et que le gros de la crise d’assimilation est en train d’être dépassé, au grand dam du président qui voyait dans le retour au principe du bouc émissaire une porte de sortie pour masquer son échec. C’est pourquoi d’ailleurs il verse de l’huile sur des braises en extinction et retourne aux fondamentaux de Pasqua et de ses sbires : avant tout, récolter la mauvaise herbe avant l'extrême-droite et pour cela, en semer les premiers la graine comme ailleurs en Europe ou au Moyen-Orient. Après nous, le déluge, se disent-ils, même si l'Europe retourne ainsi à ses vieux démons.
Dès lors, une opportunité existe. Encore faut-il proposer une stratégie globale, simple à comprendre mais compatible avec les faits économiques et politiques que chacun peut aujourd’hui, connaître au travers par exemple d’Internet, sans pour autant être toujours en mesure d’en tirer une synthèse satisfaisante. C’est que la « grande bouffe » de l’Information qui nous entoure est indigeste et peut aussi générer une désespérance : plus on nous "informe", moins on comprend ce qui se passe vraiment ! Un but, une démarche planifiée pour l'atteindre et ce au bénéfice de tous, c'est ce que chacun attend des propositions politiques, quand il y en a.
Mais avant de comprendre où il faut aller et comment, encore faut-il savoir ce que l’on veut et ce que l’on attend de son propre pays, de sa propre nation.
Savoir ce que l'on veut, la base d'une identité forte
Au fond, les choses sont assez simples. Il s’agit de nous situer, en tant que Française ou Français, de souche ou non. Nous appartenons à un collectif, la France, qui doit nous assurer le meilleur soutien possible pour notre vie.
Attendrons-nous tout d’une hypothétique, fragile et lointaine « Europe » qui manifeste aujourd'hui certaines tendances inquiétantes ?
Croirons-nous « à la mondialisation » c'est-à-dire au seul jeu des lois du marché, ce qui revient à considérer les politiques comme des marionnettes ?
Ou penserons-nous que même s’il y a des regroupements régionaux ou des alliances et même si les lois du marché ont aussi des effets bénéfiques, il faut cependant que chaque communauté culturelle de la planète, comme la nôtre, puisse défendre ses droits et chances et apporter en même temps sa contribution au genre humain ? C’est de participer à cette compétition politique, bien différente d’une concurrence purement matérialiste dépourvue de sens profond, que nous revendiquons.
Il s’agit ici, non seulement de ne pas nous laisser déposséder au nom de rapports de forces économiques ou militaires des valeurs que nous avons construites et que nous construisons toujours au travers de notre culture originale, mais de les affirmer et de convaincre toujours davantage de citoyens du monde d’y adhérer aussi.
C’est donc tout le contraire d’une idéologie réduite aux acquêts, qui n’a de cesse que de diviser les gens en fonction de leur capacité à consommer, de leur origine ou de leur religion et qui se trouve toujours disposée à donner la priorité les intérêts économiques privés, sous prétexte qu’ils constitueraient l’épine dorsale de notre économie donc de notre bien-être.
Loin d' une réédition du gaullisme, une stratégie nouvelle peut exister à condition...
Ce premier principe posé, il faut disposer d’une stratégie bien assise tant sur le plan économique que culturel, politique ou militaire, sachant que ces différentes composantes ne sont que l’expression d’une seule donnée, l’impact international de la France et son évolution dans le temps. Projet gaulliste, dira-t-on. Pas forcément car dans l’histoire française, le gaullisme (avant son triste avatar, l’UMP), a seulement représenté une version assez efficace d’une conception que bien des régimes ont avant lui exprimée, avec des fortunes diverses. Mais on peut mener une politique sociale, progressiste, pacifique et ambitieuse sur la même base.
Pour réussir, cette stratégie doit comporter certains éléments essentiels.
...d'être cohérente
Le premier d’entre eux nous paraît être une confiance fondamentale dans les capacités de tous ceux qui se reconnaissent Français à être eux-mêmes les artisans de leur propre bonheur et à contribuer à celui de l’humanité en général. En ce sens, poser en préalable l’« Europe », l’Occident, la Chrétienté voire l’idée d’une francité « de souche » n’ pour nous aucun sens car on ne commence pas par nier ou inféoder sa propre communauté avant d’exister, encore moins par exclure par soustraction immédiate ou future une partie de celle-ci.
...d'être fondée sur un marché économique conséquent et durable
Mais au-delà de cela, il faut partir de bases efficaces et les construire si l’on n’en dispose pas suffisamment. Ainsi, un premier « pré carré » économique, suffisamment grand tant sur le plan quantitatif qu’en qualité, doit être établi, car 65 millions d’habitants, c’est trop peu aujourd’hui dans la compétition internationale et si le marché unique européen est nécessaire, il n'est pas dans cette perspective suffisant.
Or, on ne construit pas la santé économique d’un pays ou d’une union économique, par exemple, sur la pure consommation de produits importés massivement de zones où les coûts de production sont provisoirement plus faibles ni structurer les besoins des citoyens vers ce qui est socialement positif, encore moins en massacrant le service public qui aujourd’hui construit souvent davantage de valeur que les activités commerciales ou financières. Qu’on le veuille ou non, la relance par la pure consommation s’essoufflera un jour et il faut déjà trouver de nouvelles bases à une croissance durable.
...d'être nourrie dans la durée par une action influente coordonnant les économies publiques, privées et sociales
Ce marché plus large, autrefois fourni aux puissances européennes par l’expansion aux dépens d’autrui, de la paix ou de la justice, il nous faut donc le retrouver par l’accroissement d’influence culturelle, sociale, humaine dans l’espace européen, continental, ou mondial, donc y investir massivement. C’est là que se situe la vraie compétition, non dans une lutte exclusive et sans espoir pour faire redescendre les coûts de production en « travaillant plus pour gagner moins » ou en délocalisant massivement des usines qui continueraient à nous appartenir. Or, nnvestir se fait principalement au travers de l’action publique directe ou indirecte : recherche, création d’universités multiculturelles et de normes techniques dominantes alliances positives liées à la communauté culturelle, extension des media publics et privés.
...d'investir fortement dans la Culture, l'Education et les besoins sociétaux prioritaires
Ainsi la culture, le sport et l’éducation sont des ressorts économiques et politiques grossièrement sous-estimés à l’heure actuelle, ce qui génère des spirales négatives vers l’injustice, la perte du sens civique, la réouverture de la fracture sociale ou la division du corps social. C’est là, d’ailleurs, qu’il faut chercher les sources des difficultés sociales, de l’incivilité ou de l’insécurité : l'Education Nationale est un thème politique qui ne doit être ni un jouet idéologique comme le tente souvent la Droite ni une vache sacrée comme on la considère parfois à gauche. L'Instruction Publique est quant à elle, un service public qui fait partie de l'Education Nationale et de sa stratégie.
La culture ( au sens global du terme ) considérée comme vecteur national et non comme un marché banalisé, est également essentielle : sans sa culture propre, la France cesse d'exister mais c'est aussi grâce à elle que notre influence peut se capitaliser.
Le logement et ses dépenses annexes, la reconversion de l’agriculture ou de la pêche, les dépenses écologiques, l'orientation des jeunes, la recréation d'un cervice civique national concernant tous les Français ou une refonte du service public avec comme critère non la dépense absolue mais l’utilité sociale globale, sont également des gisements essentiels.
Pour les exploiter, il faut investir tous ensemble : Etat, Collectivités territoriales, Secteur associatif et économie privée ou solidaire. Dans ce combat, qui doit être planifié, le secteur privé doit donc être un allié, non un adversaire ou un prétendu exemple .
et de mener une réflexion permanente sur le fonctionnement de la société.
Toujours dans la même perspective c’est-à-dire celle d’une relance durable, la relation des Français par rapport à l’impôt et au service public mais aussi le mécanisme des prix et la philosophie de l’entreprise doivent être fondamentalement réexaminés en partant du principe que c’est par la motivation sociale, et non en faisant claquer le fouet du chômage ou en récompensant les revenus d’origine purement financière ou spéculative, qu’on développe la productivité d’une société.
La citoyenneté ne doit plus être présentée, y compris au plus haut niveau de l’Etat, comme une fonction essentiellement économique et égoïste, avec de redoutables conséquences sur la psychologie des jeunes générations à qui on présente l'équation : pour être citoyen, débrouillez-vous pour dépenser !
Il faut donc réhabiliter l’impôt direct et progressif, tant sur le plan idéologique qu’économique et la contribution directe du citoyen à la vie sociale sous la forme du service national citoyen et associatif. Ce n’est qu’ainsi qu’on parviendra à résoudre l’équation nécessaire entre l'inévitable coût du progrès social et le nécessaire dynamisme économique, non par la dérive permanente de la taxation indirecte abusive et injuste, même si elle est politiquement indolore.
Oui à une nouvelle culture française, humaine et créative, présente en Europe et dans le monde
Oui, une réforme est nécessaire en France mais elle est aux antipodes de ce que, sous ce vocable, on nous vend et dont, après avoir vu la moitié de l’épisode et les dernières « propositions » de ce gouvernement nous savons déjà qu’il ne s’agit que de l’avatar d’une profonde réaction, d’une régression politique, sociale et humaine sans précédent ces dernières années : à l'inaction chiraquienne, succède l'agitation sarkozienne. Le bateau, resté à la cape, manque à vitrer et dérive vers les récifs.
Seule l’Union Européenne, dont l’influence ici est (encore) positive, nous évite sans doute des dangers graves pour notre démocratie.
Ainsi, au-delà de la reconquête de nouveaux marchés durables grâce à l’investissement dans de nouveaux créneaux et à une action publique bien dirigée, au-delà du rééquilibrage de la citoyenneté, il faut repenser l’éducation et l’orientation, non dans le sens d’un enseignement utilitariste, sélectionniste et de plus en plus confessionnel mais dans celui d’une formation équilibrée, ouverte et permanente de tous ceux qui vivent en France. La réhabilitation des sciences dures, l’enseignement en langues étrangères, une part plus grande faite à toutes les cultures dont celle du sport, en font partie. Et les politiques, au lieu de se mêler des programmes d’histoire, devraient s’assurer que le monde dirigeant scolaire et universitaire se remette enfin en question.
Jouons les bonnes cartes, avec de bons joueurs
La France dispose d’atouts énormes : une communauté internationale francophone ou sympathisante qu’elle devrait respecter plutôt qu’exploiter, un domaine territorial et maritime immense, une culture originale et vivante, des moyens scientifiques, techniques et militaires importants, une population dynamique, en renouvellement. Au lieu de jouer le repli sur soi, l’égoïsme de classe, la tricherie permanente avec l’opinion et les media, le bénéfice politique à court terme, la soumission à des intérêts et à des traditions qui ne sont pas et ne seront jamais les nôtres, bref toutes les cartes faibles, ce sont nos atouts qu’il faut jouer.
C’est une politique ambitieuse, large, intelligente qui donne la priorité au progrès social, à l'éducation citoyenne désintéressée, à la fraternité, à l’universalisme et surtout à la confiance dans nos propres capacités qu’il nous faut, Cette politique, la gauche peut et doit la mener. Pour être investie, sans doute devrait-elle accepter de travailler davantage sur le plan idéologique plutôt que de proposer semble-t-il un compromis impossible entre le post-marxisme et un libéralisme sur lequel ses partisans même s’interrogent aujourd’hui. Repartir des fondamentaux en construisant un projet original et décomplexé, une démarche remettant les choses à plat, paraît aujourd’hui être la bonne voie. Encore faut-il choisir des joueurs désireux et capables de construire le jeu.
Et même s’il l’on peut douter, il faut entreprendre.