6ème puissance mondiale, la France
a encore plutôt l’air, vue de l'extérieur, de bien se porter. Devant une opinion publique mi-perspicace mi-fataliste qui rappelle fortement sa cousine italienne, la machine à créer du malheur mise en marche il y a trois ans continue son inexorable travail de sape. Mais les ravages de l’improvisation, de l’opportunisme et d’une idéologie dépassée -un remake de Nixon et des Chicago Boys- ne se voient pas encore assez pour que la population réagisse vraiment.
Si je mens...
Et puis, le spécialiste de la cavalerie intellectuelle qu’est l’actuel président rembourse chaque traite en en tirant une nouvelle. La Vérité si je mens IV, telle pourrait être l’affiche du triste navet qu'on projette actuellement dans toutes les préfectures, pour tous les publics.
aux Catholiques,
Les Catholiques s’inquiètent-ils du côté indiscutablement pétainiste de la politique intérieure du gouvernement, de son goût du clinquant et d’un affairisme si éloignés de l’esprit de l’Evangile ou encore d'un matérialisme poussé au point de combattre la pause dominicale (ou autre) ? Ce n’est pas grave, on va les rassurer : à l’occasion d’une visite au Vatican, on leur parlera du compagnonnage historique entre l’Eglise et sa fille aînée, la France. On essaiera même peut-être de faire passer l’une ou l’autre mesure en faveur de l’enseignement confessionnel.
Pourtant, si la France laïque - ce qui ne veut pas dire matérialiste - respecte l’Eglise catholique comme les autres croyances, elle n’est pas sa copine, encore moins sa fille aînée.
aux (futurs) retraités,
Les syndicats font-ils front commun contre une « réforme » bâclée et inefficace des régimes de retraites, un ersatz qui défie le bon sens tant sur la manière que sur le fond, avec des textes qui ne feront que transférer les déficits du chapitre « retraites » au chapitre « chômage » ? On passera en force et au galop, en promettant aux parlementaires les plus frondeurs des dépouilles ministérielles et aux salariés cassés par le travail ou aux femmes dont la carrière a pâti des responsabilités familiales, quelques aumônes au travers des organisations syndicales.
A quoi tout cela servira-t-il, puisqu’il faudra bien dans deux ans s’occuper sérieusement de la question et financer de façon transparente (et non sur le mode magique) les coûts sociaux.
aux Européens,
L’environnement international de la France se tend et l’Union Européenne menace de mettre au piquet la patrie des droits de l’Homme alors que les « négociateurs » français lui ont vendu pour rien notre capacité stratégique (3 milliards d’euros par an, tout de même) et détourné la volonté de la nation après le referendum, le "non" se métamorphosant en "oui" ? Pas de problème : après avoir porté aux nues l’« Europe » libérale de la Commission, on s’en servira comme repoussoir pour couper l’herbe sous le pied des concurrents de la droite souverainiste, puisque Bruxelles blâme les pratiques xénophobes.
Ce n’est pas rendre service à l’« Europe » que de la traiter ainsi et vouloir ensuite contraindre les gens à s’en faire prioritairement les citoyens devient dès lors de plus en plus irréaliste.
aux contribuables
Une partie de la droite parlementaire, consciente qu’un tsunami électoral commence à se former sous l’effet de la fracture sociale qui s’élargit et de la violence des coups portés à la stabilité sociale et politique du pays, conteste-t-elle la politique de classe menée par Nicolas Sarkozy et son entourage et parle-t-elle d’échanger le bouclier fiscal contre l’abrogation de l’ISF ? On fera claquer le fouet ou on affirmera mordicus ne pas vouloir céder, en attendant d’avoir trouvé le bon coup de bonneteau à faire.
Surtout, ne pas parler du sujet qui fâche, l’inévitable retour à un système simple et évident : l’impôt direct et vraiment progressif, finançant ce qui est vraiment utile et nécessaire à tous.
…et aux femmes
La féminisation de façade de gouvernement masque de plus en plus mal la véritable doctrine sarkozyste, celle de l’ancien système allemand des 3 K (enfants, église, cuisine) où le supermarché aurait remplacé l'église. Travail des hôtesses de caisse le dimanche, étranglement progressif des prestations sociales pour l’accompagnement de l’enfance ou des personnes âgées, âge des retraites pénalisant, disparition de la proportionnelle aux élections territoriales, recul en matière d’IVG... Il s’agit en fait de réduire la liberté des femmes d’intervenir dans la vie sociale, tout simplement. Cela se voit-il trop ? On agitera la burqa, la situation des droits humains en Iran (mais pas en Arabie Saoudite !) ou l’on érigera la polygamie en menace pour la société française.
Il y a fort à parier pourtant que les femmes, dans leur immense majorité, ne souhaitent pas un tel recul social et qu'elles le signifieront politiquement.
la vérité...
Que personne ne se fasse d’illusions : derrière cette politique, il n’y a rien d'autre qu’un désir éperdu d'exister et de durer à tout prix en se balançant de loi en loi, comme Tarzan, entre deux terribles cris, sautait d’une liane à l’autre. Peu importe si derrière, la précédente casse ! Peu importe si l'on met le feu à la savane à force de provocations ! De fait, les dossiers collectés dans les armoires ministérielles, traités à la va-vite et laissés à pourrir sur place dès qu’ils ont servi à diviser ou à corrompre l’opposition, ne se comptent plus.
Aucun problème n’est résolu et sans cesse l’on en crée de nouveaux, avec pour seul objectif de se faire prendre au sérieux parce que qu'on joue avec les choses sérieuses comme un gosse avec les armes à feu. Nous en sommes au point où, pour le bouclier fiscal par exemple, il s’agit pour Nicolas Sarkozy de réformer ses propres "réformes" !
Que ne réforme-t-on pas, comme pour feu le service national, ce gouvernement incapable de servir !
c'est le populisme
Parallèlement la droite française, comme d’autres en Europe, se recentre…mais à droite, très à droite ! Voudra-t-elle comprendre qu’à force d'encourager le matérialisme , la division et l'exclusion, on pave le chemin du retour d’un passé maudit ? Qu'elle se rappelle qu'il était une fois un certain von Papen qui pensait vers 1932 qu'il serait plus malin que l’extrême-droite allemande. Pourtant, dans plusieurs démocraties européennes, la droite fait déja la courte-échelle à l'extrême-droite.
De lourdes menaces apparaissent : extension de la misère ouverte ou discrète, baisse du niveau de sécurité sociale et sanitaire et de sécurité tout court, déstabilisation de l’emploi, recul du Droit, développement des inégalités économiques ou sociales en particulier pour le logement, paralysie économique des collectivités territoriales, encouragement aux ratonnades administratives ou déstabilisation psychologique en milieu enseignant, hospitalier, pénitentiaire ou policier.
Quel super-bilan !
...alors que les vraies réformes attendent
Il y aurait pourtant de sérieuses, de vraies réformes à mener dans ce pays :
Et d'abord une réforme politique qui affirmerait la nécessité du primat de la gouvernance politique au travers de l’Etat ou des groupements internationaux sur les hasards de l’économie mondiale, mais aussi sur le devenir des grandes fonctionssociales, aujourd’hui largement abandonnées au corporatisme ou aux intérêts financiers.
C’est probablement par cet abandon, ce laissez-faire qui n’est qu’un laisser-aller, que s’expliquent bien des problèmes apparemment insolubles tels que la crise du logement ou celle qui touche certains secteurs de l’«Education Nationale* » comme la pratique des langues étrangères et l’orientation. Il y a aussi le comportement grégaire et déviant de la profession financière, dirigée par des patrons souvent issus, en France, de la haute administration et qui n'ont pourtant pas compris qu'une banque n'était pas seulement là pour "juter" au profit des actionnaires...ou au leur et qu'elle avait aussi une fonction économique pour le pays.
Il s’agit aussi d’adopter, au travers –osons le mot- d’une planification rénovée, des stratégies communes entre deux mondes qu’il est stupide de vouloir à tout prix comparer, opposer ou amalgamer : celui de l’entreprise citoyenne et celui du service d’intérêt public. Coopérer avec l’entreprise et la moraliser sans vouloir se substituer à elle ou imposer ses critères (le profit) qui sont d’une autre nature, c’est un chantier important. Ramener la finance dans le droit chemin en est un autre : un Grenelle international des marchés en somme.
C’est l’intérêt de tous les pays du monde que de s’entendre sur cela et les difficultés pour une entente ne proviennent souvent que de la syntaxe ou de comportements arrogants dont hélas nous donnons l’exemple en ce moment.
L’idée que les déficits public et de façon générale les services publics et leur coût sont à la source de tous les maux, et non l’irresponsabilité cultivée par certains est en tous cas non seulement idiote mais hypocrite : qu’est ce qui tire par exemple l’économie américaine et à travers elle l’économie mondiale, si ce n’est la dépense publique…exploitée par le privé ?
Les véritables économies à faire sont ailleurs. Ainsi, le traité de Lisbonne nous oblige à intervenir au secours d’un autre état européen, y compris avec nos moyens stratégiques, qui coûtent quelque 3 milliards d’euros par an. Quelle prime paient nos partenaires pour cela alors que l’OTAN, lui, facture son parapluie ? Rien. Et qui a signé, malgré le non au referendum ? Silence.
Que nous rapportent par contre nos engagements hasardeux en Afghanistan ou ailleurs ? Rien, si ce n’est le recul général de notre influence internationale, accéléré par les économies de bouts de chandelle sur notre réseau diplomatique ou RFI et le désintérêt marqué par ce qui se passe ailleurs que dans l’hexagone**. Est-ce cela, la gestion rigoureuse des deniers publics ?
En France, que gagne-t-on à dévaster l’éducation avec des conceptions sécuritaires dignes du dix-neuvième siècle (genre maisons de correction) et en mettant, pour faire des économies (!) des enseignants non formés en face des enfants et des jeunes ? Tout cela se paiera cher, très cher. L’éducation est le placement rentable par excellence dans lequel il faut investir mais en exigeant l’efficacité, même s’il faut pour cela bousculer certaines vaches sacrées. Ainsi, le jour où les inspections générales de l’Instruction Publique comprendront qu’il faut enseigner non les langues étrangères, mais en langues étrangères ou régionales et adapter le recrutement et la formation des maîtres en conséquence, un pas immense aura été fait pour l’avenir de nos jeunes, la France deviendra une nation mature dans l’International, avec des dirigeants capables d’autre chose que d’ânonner l’anglais (après des années d'études d'icelui) sous les rires.
Par contre, affirmer une forte ambition internationale sur des objectifs aussi bien sociaux qu’écologiques et économiques pour la France et pour l’Union Européenne est un objectif fédérateur qui nécessite un Etat fort et actif. Ce n’est pas faire du néo-colonialisme que de développer, à l’instar des Etats-Unis, une idéologie pacifique mais forte et sûre d’elle-même et de se donner les moyens de convaincre et de travailler, tous azimuts, à vendre, à enseigner, à protéger, à faire avancer les sociétés civiles.
Remettre l’Etat en marche avant et non en décimer les effectifs de façon aveugle et irresponsable au lieu de réaffecter les effectifs aux tâches les plus utiles, c’est aussi affirmer l’idée que notre pays et toutes les nations qui partagent sa culture ont un rôle, un grand rôle à jouer dans le monde.
De plus, la question financière ne vient qu’en deuxième lieu car la finance doit, dans l’entreprise comme pour l’Etat, être au service d’un projet et non l’inverse. Ce qui est important, ce n’est pas d’abord ce que coûte le service public mais à quoi, sous ses diverses formes, il sert, pourquoi il existe et quelle sera sa valeur ajoutée aussi bien économique que sociale. Quelle crédibilité ont les purs « gestionnaires » quant ils admettent aujourd’hui de l’Irlande des déficits publics x fois supérieurs à ceux qu’ils considéraient comme la pierre angulaire de l’« Europe » et qui sont dus, non à une crise économique ou au manque de productivité des « paresseux » travailleurs européens mais à l’irresponsabilité financière qu’ils ont tolérée voire encouragée? Et qui paie les pots cassés dans l’affaire ? Les experts économiques, les gouvernants, les patrons qu’on paie pour qu'ils débarrassent le plancher ? Non : au trader la prison, le jackpot à son patron !
Pour autant, la rigueur est – comme toujours- nécessaire mais une vraie rigueur intellectuelle, morale et politique qui pose les vrais problèmes, propose de vraies réformes sans avoir peur des intérêts corporatifs et va contre les mauvais instincts au lieu de chercher à s’en servir. Une vraie rigueur qui mérite enfin l’égide souvent volée à Descartes.
Les gisements de productivité ne sont pas fondamentalement ceux qu’on désigne à notre vindicte. Ils sont ailleurs, cachés par l’intérêt, la mauvaise foi ou tout simplement la routine et l'incompétence. Il n’est pas si difficile de les découvrir, pour sauver l’essentiel. C'est alors et alors seulement qu'il faudra lancer une juste et nécessaire réforme fiscale.
Non, la France, si elle doit pour être bien gérée mettre en balance les coûts de la dignité sociale et la juste contribution de chacun pour la financer, ne doit pas sacrifier ce que des générations de travailleurs ont durement combattu pour obtenir. Non, nous ne voulons pas du retour de la loi de la Jungle et si c’est ce qu’il veut, Tarzan peut aller se rhabiller, avec ou sans Jane.
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* Nous pensons qu’un retour à la belle appellation d' « Instruction Publique » ferait disparaître bien des contresens et des ambigüités. De surcroît, la mission de bien enseigner nous semble déjà amplement suffire à ce ministère sans qu'on lui demande, en plus, d’orienter et d’éduquer…surtout par les temps qui courent !
** Le manque de culture internationale de ceux qui souvent se gargarisent d'"Europe" n'est hélas pas réservé à la Droite : quand on entend un sénateur de gauche vouloir exorciser "les Français de l'étranger", c'est triste. La France a aussi besoin de ses Français de l'étranger qui ne sont pas ceux qui ont le plus d'argent "en Suisse" et sont souvent des jeunes et des tisseurs de liens avec le monde extérieur. Le sarkozysme diabolisateur serait-il contagieux au-delà de la frontière politique ?