En cet été, Françaises et Français apprécient la pause politique. Ils ont écouté, ils ont discuté, ils ont pour beaucoup d’entre eux voté. Ils aspirent au repos, tout au moins sur ce plan. Penser à autre chose, pouvoir profiter de la saison si la météo le leur permet, retourner à leur vie quotidienne.
Pour autant, ils restent attentifs, attendant aussi beaucoup du nouveau pouvoir qu’ils se sont
donné. Pas seulement des mesures techniques permettant de réajuster dépenses et recettes du ménage « France » mais une véritable avancée vers un développement durable et sain de notre économie, accompagné d’une vraie reprise en main de la planète finance. A Chaville comme dans les Hauts-de-Seine, l'électorat quand on y fait attention, a su témoigner de quelque clairvoyance.
Les Français veulent une politique imaginative et efficace qui les incite à croire en l’avenir des démocraties européennes. En effet, faire porter à la seule dérive des dettes publiques, un phénomène vieux comme l’Histoire, le chapeau de la crise actuelle et s’imaginer qu’une correction aussi nécessaire qu'elle soit de cette tendance nous dispensera d’une remise en question d’un « modèle » libéral auquel la social-démocratie fait les yeux doux et que pour le reste on en reste là, est une illusion.
Illusion aussi, l’idée qu’une « Europe » qui ne serait que celle des Marchands et des technocrates
libéraux peut obtenir l’adhésion de ses peuples. La véritable Europe, inventée comme la démocratie par... les Grecs ce qui ne nous rajeunit pas, chevauchait un taureau jupitérien, non un veau d’Or voué à être un jour ou l’autre fondu par des adorateurs déçus. L’avenir de la France n’est donc pas de se dissoudre urgemment dans une telle « Europe » . Pour être essentiel dans le long terme le calendrier européen ne saurait nous dispenser de retendre en nous-mêmes, grâce à l’imagination et à l’énergie, les ressorts de notre avenir.
En d’autres termes le tourbillon de la mondialisation et la pression des « marchés » ou si l'on préfère du mercantilisme et de la spéculation réunis, ne doivent pas distraire nos dirigeants de
leur véritable tâche. Gouverner n’est pas seulement administrer, l’Elysée n’est pas Bercy et en politique comme dans la vie l’Homme n’est pas un ange mais pas non plus une bête pour qui seuls les besoins économiques compteraient. La vocation des gouvernants est donc de voir plus loin et non de pédaler le nez dans le guidon.
A cet égard, il faut interpréter le regain de l’extrême-droite comme un avertissement qui d'ailleurs vaut pour toute l'Europe. Légitimé par la droite classique tentée de partager avec lui de soi-disantes
« valeurs » le Front National, tout en affectant de jouer la démocratie (l’extrême-droite l’a toujours fait en tant qu’opposante) manipulera l’anti-parlementarisme pour saisir toutes les occasions de reprendre la main. Il faut donc éviter certaines erreurs comme la déification des marchés financiers ou la confusion entre un dialogue nécessaire avec les corps intermédiaires et la tentation de les laisser par habitude obérer une volonté politique plus que jamais nécessaire.
Aucune administration publique, aucun corps intermédiaire, aucune grande entreprise impliquée dans l’économie ou la finance nationale ne devrait échapper à un examen régulier et efficace,
non seulement financier mais sur le fond, de sa valeur ajoutée à la société. La responsabilité ne doit pas non plus être sélective, certains étant sans cessemis en cause et d’autres, jamais. C’est là une condition essentielle de la justice sociale et fiscale, de la robustesse de nos économies, de cette
confiance qui sert de base à la finance mais aussi à l’Etat, donc au développement durable de notre pays.
La tradition est une richesse, les habitudes sont un danger et une petite réflexion à ce sujet, appuyée sur trois exemples (banques, logement aidé, éducation internationale), nous le confirmera.
- La VIIIème et le 92 : quelques commentaires « à froid » sur les résultats !
- Les corps intermédiaires : richesse ou opium de la République ?
- La VIIIème des Hauts de Seine et le département : quelles conclusions ?
Résultats des législatives: faits et enseignements
- Le département : les media ayant largement commenté ce qui s’est passé
dans les Hauts-de-Seine, bornons-nous donc à indiquer les résultats des
circonscriptions voisines :
- Dans la 9ème (Boulogne-Billancourt), Thierry SOLERE, le dissident local, l’a emporté sur le parachuté officiel Claude GUEANT au deuxième tour, la candidate socialiste obtenant 22,2 % des voix
- Dans la 10ème (4 bureaux boulonnais, Issy, Vanves et 5 bureaux meudonnais), André SANTINI l’emporte avec 53,3% des voix sur la candidate EELV Lucile SCHMID (Europe Ecologie Les Verts) 46,7%
- Dans la 7ème (Garches, Rueil, Saint-Cloud), Patrick OLLIER (UMP) est largement réélu avec 63%
- VIIIème circonscription des Hauts-de-Seine (Meudon (26 bureaux) + Sèvres + Chaville + Ville-d’Avray + Vaucresson + Marnes-la Coquette) : Jean-Jacques GUILLET obtient 54,2 % des exprimés, Catherine LIME-BIFFE 45,8 % (ce qui se rapproche de l’étiage maximum de la gauche atteint avec Henri NEUVILLE soit 48, 7%
en…1973 !). Dans le détail, son score est très proche de celui de son adversaire dans les villes importantes :
Meudon : 7 346 contre 7 357 *
Sèvres : 4 264 contre 4 292 (elle était en tête au premier tour)
Chaville : 3 887 contre 3 994
Par contre elle est distancée dans les « pièces rapportées » de notre circonscription, un bloc de communes (Ville d’Avray, Marnes et Vaucresson) agrégé en son temps à la circonscription par les services de Charles PASQUA dans l’esprit que l’on devine.
- Chaville : en demi-teinte
La candidate socialiste, Catherine LIME-BIFFE, soutenue dès le premier tour par l’ancien maire de gauche, Jean LEVAIN, l’emporte dans 8 des 13 bureaux et au total, avec 107 voix de
retard (3 887 contre 3 994) elle fait quasiment jeu égal avec l’actuel député-maire. Comme d’habitude à Chaville, le basculement des majorité tient à peu de suffrages, rappelons que les dernières élections municipales se sont jouées à moins de 200 voix pour quelque 12 000 électeurs, sauf celle de 2001 (union AGIR-PS-PC dès le premier tour ).
Nos commentaires :
Le département : velléités à droite, mutation à gauche
Il serait hautement souhaitable que la nouvelle gouvernance mette fin à un découpage électoral artistement ciselé par Charles PASQUA mais aberrant sur le plan des réalités humaines : pourquoi serions-nous condamnés à en subir éternellement les effets ? Ainsi, si l’on totalise les voix des
bureaux meudonnais de la 8ème et de la 10ème circonscription, on obtient pour la gauche 9011 voix et pour la droite 9010 voix. En d’autres termes, les Meudonnais ont majoritairement voté à gauche…et
se retrouvent avec 2 députés de droite ! Sans commentaires… tout comme dans le cas de la VIIIème circonscription et du canton de Chaville (quel Chavillois va au marché ou au cinéma à Vaucresson, ou l’inverse ?).
Le président Patrick DEVEDJIAN et Patrick BALKANY sauvent leur tête et André SANTINI et Jean-Jacques GUILLET gardent une petit marge. Philippe PEMEZEC, représentant avéré du sarkozysme dur est par contre sèchement battu tout comme Manuel AESCHLIMANN : trop, c’est
trop !
Ainsi qu’en témoigne la fronde en cours contre Patrick DEVEDJIAN, le réduit sarkozyste de Nanterre vit le crépuscule des Dieux. Il reproche en gros et pour parler vulgairement au
président du Conseil Général d’avoir craché dans la soupe dont ils se sont régalés des années durant en pratiquant les largesses électorales aux frais du contribuable départemental et lui faisant couvrir diverses turpitudes. La prose de sa directrice de cabinet, révélant l’ambiance du bunker dans un livre à clés*, n’ évidemment rien fait pour alléger le climat.
De façon générale, il serait tout-à-fait hasardeux de tirer de ces résultats, dans un sens comme dans l’autre, des conclusions péremptoires pour les futures consultations et en particulier pour les municipales de 2014. Nombreux sont en effet les électeurs qui, sur ce sujet, sont particulièrement attachés non aux investituresdistribuées par les partis mais à la notoriété, à la compétence, à l’attachement témoigné par les élus à leur commune et aux citoyens. Dans cet esprit, l’élection de Sébastien PIETRASANTA (PS) à Asnières marque par exemple le succès d’une approche pragmatique des affaires locales.
Il n’y a au fond rien de bien nouveau sous le soleil de circonscriptions artistement découpées (voir
ci-dessus) : les électorats sont stables même si bien des électeurs modérés, dans la logique même de la Vème République et en cohérence avec le choix des présidentielles, ont souhaité donner au nouveau président les moyens parlementaires de relancer la France et il faut s’en féliciter.
Les représentants du sarkozysme altoséquanais, dont Jean-Jacques GUILLET, ont eu très chaud mais ils ont pour la plupart réussi à s’en tirer, avec des tactiques différentes (légitimité post-gaulliste pour OLLIER, profil bas et métier politique pour Jean-Jacques GUILLET, action locale pour SANTINI).
A noter que même à ces législatives, de nombreux dissidents des grands partis se sont fait élire,
reflétant ainsi le refus de l’électorat républicain de se laissersystématiquement imposer ses choix même s’il peut aussi faire confiance à la « marque » dans certaines circonstances comme celle-ci. Il faut respecter cette option « indépendantiste » locale, qui fait partie de l’exercice d’une démocratie vivante. Au nom de quoi le citoyen local devrait-il se laisser prescrire en qui il doit avoir
confiance ?
La VIIIème circonscription : effets de découpage et pièces rapportées
Dans notre circonscription, depuis des années, les « pièces rapportées » (Vaucresson, Marnes et
Ville d’Avray) permettent à un député absentéiste qui a su utiliser la brèche ouverte dans l’union pour faire main basse sur la mairie chavilloise, de se maintenir. Il est toutefois significatif que le candidat Romain CHETAILLE (divers droite) qui a eu le courage de mettre directement en cause le comportement du sortant même s’il n’a pas évoqué son recel de rétro-commissions dans l’affaire SOFREMI, a réussi le score très satisfaisant pour un débutant de 6,7%. Quand les électeurs
savent, ils sanctionnent donc et le député-maire se voit rattrapé par son bilan et son passé, mais lentement ! Il aura pourtant réussi à passer entre les mailles du filet mais après tout, c’est tout ce qui compte pour un professionnel de la politique.
A l’inverse la candidate du MODEM, Nadia MORDELET, n’a pu obtenir que 3,8%. Elle paie ainsi une triple addition : le fait que certains représentants de cette formation (à Chaville en
particulier) se soient mués en supplétifs de l’UMP, l’échec de François BAYROU et aussi la nature même du vote centriste qui représente davantage une sensibilité qu’un engagement, se révélant souvent être au fond un vote refuge.
Plus positivement, les scores démontrent une fois de plus que, dans notre zone politique, le changement de majorité ne saurait être obtenu par la gauche chavilloise sur une base principalement partisane. Le secret à Chaville, c’est l’union sans exclusive ni dominance. Cette leçon qui n’aurait jamais dû être oubliée car son non-respect est éliminatoire, est importante à
méditer non seulement parce qu’il s’agira en 2014 non de figurer mais de gagner mais parce que chaque fois que les mauvaises habitudes reprennent le dessus avec pour conséquence l’échec politique, ce sont les citoyens, surtout les moins favorisés et les personnels qui paient la note. Or comment considérer, lorsqu'on se dit de gauche, qu'il s'agit là de conséquences secondaires ?
L’évolution de l’agglo GPSO et de Chaville le démontre : alourdissement des impôts, recul du
développement local, main basse sur la ville au bénéfice de la promotion de luxe, perte du sens de l’humain, indifférence aux problèmes sociaux, inertie en matière d’éducation et de culture. Ce qui compte avant tout ce n’est pas l’étiquette ou la carrière des uns ou des autres, c’est la qualité du résultat obtenu pour et avec les citoyens. Soyons dès lors optimistes et faisons confiance à
l’intelligence et au sens des responsabilités des élus et candidats de gauche.
2. Les corps intermédiaires : richesse ou opium de la République ?
A. Les banques : des entreprises comme les autres ?
La crise actuelle nous incite à méditer sur la situation assez étrange du monde bancaire et plus généralement sur la financiarisation de l’économie. Sans entrer dans des considérations complexes sur un métier qui a été le mien pendant un quart de siècle, je me bornerai à faire observer que la
corporation bancaire présente des caractéristiques originales, comparées par exemple à des entreprises industrielles ou commerciales : elles constituent un collectif même si elles sont concurrentes, elles travaillent de plus en plus sur des marchés inventés, elles sont internationales par essence, elles interviennent directementdans le financement de l’économie et surtout elles bénéficient dans les faits d’une garantie de dernier recours de la part de la puissance publique. Bref il s’agit d’une activité économique « privée » dont la bonne fin est in fine garantie par le
contribuable-client.
Ces caractéristiques particulières et particulièrement la dernière devraient inciter la profession à pratiquer une déontologie particulièrement exigeante et à se réapproprier un sens aigu de la
responsabilité publique. Comment peut-on en effet considérer qu’une entreprise dont les dirigeants peuvent commettre et commettent effectivement de lourdes erreurs techniques et "morales", ne se voit sanctionnée ni dans le chef de sa direction générale ni dans celui de ses actionnaires principaux et que la réponse politique « européenne » est d’accepter pour les banques ce qu’elle refuse aux autres entreprises à savoir récompenser la mauvaise gestion (concept
que le libéralisme est censé proscrire) ?
La faute est toujours à la conjoncture, aux opérateurs, à la clientèle de crédit, aux « marchés »
mais jamais aux dirigeants. Les conséquences doivent par contre toujours être assumées par les Etats c’est-à-dire les contribuables. Paradoxe des paradoxes, ceux-ci se voient accusés soit d’irresponsabilité s’ils ne soutiennent pas les banques soit d’endetter les pays ou l’« Europe » au-delà du raisonnable s’ils le font. Tant qu’on ne comprendra pas que « les marchés » recherchent d’abord un profit spéculatif et non une orthodoxie financière, les choses non seulement ne cesseront pas mais empireront : ne prenons pas pour des juges de paix les racketteurs des Etats que le terme aussi vague qu'anthropomorphique de "marchés" ne suffit pas à absoudre...sauf si l'on est un libéraliste convaincu, bien sûr.
Il résulte clairement de tout cela que la mansuétude persistante appliquée au « milieu » bancaire, fondée en partie sur le mythe que les dirigeants de banque français seraient par essence plus vertueux que d’autres (ce que le seul exemple de DEXIA, ex-Crédit Local de France, qui n’est
nullement à l’origine une banque belge, suffirait à infirmer), n’est ni fondée ni justifiable. Une sérieuse reprise en main de la collectivité bancaire paraît au contraire indispensable si l’on veut éviter de vraies catastrophes menaçant l’emploi bancaire qui concerne des dizaines de milliers de gens. Pourquoi voudrait-on qu'en récompenssant objectivement la mauvaise gestion et en se contentant du vieux système des boucs émissaires, les choses changent ? Le cas de l'Espagne est particulièrement instructif. Le seul ennui c'est que la spéculation, dont l'appétit vient en mangeant, ne manquera pas de prétextes s'attaquer à des plats de plus en plus gros comme l'Italie, le Royaume-Uni voire la France et qu'à ce moment-là la politique de solidarité unilatérale vis-à-vis des banques devra bien cesser, déclenchant un risque de rupture majeur pour l'UE. Que faire ?
L' évolution du contrôle des banques dans un sens non seulement européen mais réellement indépendant c’est-à-dire lié directement au(x) Parlement(s) et non aux Administrations, la menace de suppression de l’agrément personnel de dirigeants** qui persisteraient dans une politique commerciale de casino, la suppression des passerelles professionnelles entre la haute fonction publique et le secteur financier, la chasse à la liquidité excessive des marchés au travers d'une politique fiscale avantageant les placements longs et socialement utiles comme l'épargne et le fionancement à long terme du logement et l'économie sociale et solidaire peuvent être des pistes à suivre. La question qu’il faut aujourd'hui se poser - et à laquelle il faut répondre, au risque de déplaire, c’est comment et pourquoi les nombreux dispositifs de contrôle existants n’ont pas fonctionné depuis des années et pourquoi l’on espère qu’avec les mêmes données et de simples mesures de caractère global, organisationnel et non ciblé, les abus persistants du « corps intermédiaire » bancaire cesseraient par enchantement.
** Il faut savoir que dans le cas des banques, ce non pas seulement les entreprises qui sont "cotées" à la Banque de France mais aussi leurs dirigeants. Cette disposition, tout à fait sage sur le fond, pourrait utilement être utilisée pour inciter certains dirigeants bancaires à se souvenir qu'ils ont une responsabilité non seulement vis-à-vis de la leur actionnariat et de leur carrière mais aussi vis-à-vis de l'économie et du public.
B. Le logement, problème confisqué par les professions.
Le problème du logement est un assez triste marronnier qui, lui aussi, dérive doucement dans la mesure où les professions (promoteurs, organismes HLM ou cogérants du 1%) se sont, depuis longtemps, emparés des leviers de commande du système et considérant de bonne ou de mauvaise foi que leurs intérêts sont par définition ceux du contribuable et du bénéficiaire de l’aide publique, qu’elle soit à la pierre ou à la personne. Dès lors, comme pour bien d’autres problématiques de ce genre, le problème devient insoluble puisque l'intérêt général cède la place aux intérêts corporatifs et le public voire les "politiques" se laissent abuser par la langue de bois.
En effet, l’idée reçue suivant laquelle il suffirait de construire plus pour loger plus ou plus exactement pour loger ceux qui en ont le plus besoin ne tient guère la route quand on examine sérieusement le fonctionnement réel du système actuel (cf. l’ouvrage de J.R. FONTAINE et du
soussigné « Le logement aidé, comprendre pour décider », L’Harmattan 2010). Bien sûr qu’il faut construire davantage tout comme il faut faire reprendre aux Etats le chemin de la rigueur de gestion qui n’est pas forcément celui de la rigueur tout court. Mais parce qu’une condition est nécessaire il ne s’ensuit pas et de très loin qu’elle soit suffisante. Seulement, le lobbying
professionnel qui fait souvent prendre aux « politiques » des vessies pour des lanternes est passé par là et veille au grain dès qu’une vraie réforme menace de voir le jour.
La sédimentation administrative, la perte de vue des objectifs essentiels de l’aide publique au profit d’objectifs secondaires en période de crise, le maintien par « principe » de règles à l’origine
justifiables mais devenues perverses, la priorité donnée à des considérations de rentabilité à court terme, la priorisation d’intérêts catégoriels, la puissance de la culture d’entreprise du milieu professionnel et, il faut bien le dire, une certaine pusillanimité politique, se liguent pour faire en sorte qu’on ne change rien, absolument rien à un système devenu clairement obsolète . Or si l’on pouvait faire du neuf avec du très vieux cela se saurait et la misère du logement n’aurait pas pris le trot en zones de tension en attendant de prendre le galop, si le cavalier continue à laisser le cheval faire ce qu’il veut. Les mesures incantatoires n’y changeront rien.
Or quand l’on constate que, malgré une crise évidente l’aide au logement reste en progression constante et dépasse aujourd’hui les budgets de la Défense Nationale et que la seule réaction des professionnels est de demander davantage de moyens (HLM) ou en menaçant d’un recours à Bruxelles (constructeurs-promoteurs), on se dit qu’il serait peut-être temps de jeter un regard nouveau sur cette problématique dont les conséquences sont dramatiques pour des centaines de milliers voire des millions de Français et surtout d’inventer de nouvelles règles et de nouvelles solutions. Mais il n’y a aucune raison d’être optimistes quand l’on voit les responsables de la situation continuer à garder bien en main les leviers de commande…
C. Education internationale : qui rendra des comptes ?
Un beau jour, on décida de baptiser la noble institution qu’est l’Instruction Publique du nom d’Education Nationale. C’était à notre avis une erreur car elle a induit, dans la société en mutation rapide qui est la nôtre, de nombreux malentendus et, ici aussi, un certain nombre d’effets pervers.
Les familles, de plus en plus décomposées ou recomposées, ont pu en retirer l’idée que c’était à la puissance publique d’assurer l’éducation de leur progéniture comme si bien assurer son instruction n’était pas déjà une mission bien suffisante. L’administration concernée, de son côté, s’en est
sentie autorisée, dans une économie européenne de plus en plus dominée par le secteur marchand et son idéologie, à intervenir dans des domaines où ses compétences sont durement mises à l’épreuve comme l’orientation et s’est par contre semble-t-il quelque peu dé-responsabilisée
sur un point essentiel : assurer la qualité du service rendu dans un dialogue réel avec le reste de la communauté éducative.
De même, elle réagit souvent comme si elle disposait d’un monopole de l’instruction qu’elle n’a pas ou plus (ce qu’on peut sans doute regretter). Enfin et pour être bref, on a ainsi signé l’affaiblissement de l’éducation populaire et de l’immense rôle que le secteur associatif et les
autres administrations de l’Etat ont à jouer dans l’éducation des jeunes Français de toutes origines. Clairement, la construction éducative et pédagogique qui préparera les jeunes Français à être citoyens dans un pays à la culture mondiale ne saurait être le fait d'un seul acteur.
Aujourd’hui l’éducation doit être internationale. D’une part, parce que nous marchons paraît-il vers
une forme de fédéralisme européen, d’autre part parce qu’il est du devoir d’une administration censée assurer l’éducation des jeunes Français de les mettre en situation d’accepter toutes les opportunités de formation et d’emploi qui se présentent et non de les condamner au non-emploi faute de cette compétence.
Cela exige entre autres de plus en plus souvent et pour tous (et non seulement les élites étudiantes) la pratique immédiate des langues, la capacité de s’adapter à un monde entrepreneurial différent et une culture générale de l’environnement mondial et européen.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas du tout le cap suivi : réduction de l’investissement en histoire et géographie, chasse aux enseignements bilingues sous des prétextes divers et généralement fallacieux, disparition quasi-totale de l’enseignement (sans parler de leur pratique qui n'est plus aujourd'hui, quoi qu'en prétendent ls programmes, une question de "culture générale") des langues de nos voisins européens, y compris l’allemand, langue majoritaire du couple germano-français !
Quant à la capacité de s’exprimer dans la seule langue survivante du massacre, l’anglais, tout commentaire quant à son efficacité est superflu ainsi qu’en témoignent hélas les performances linguistiques de trop nombreux dirigeants français. Il paraît pourtant, ici encore, que ce brillant bilan est ne serait imputable qu’aux élèves, aux familles voire aux enseignants (qui pourtant ne sont responsables ni des programmes ni des inspections), jamais à une administration qui semble avoir oublié et ce depuis des années la notion même de service fait . Si l’on considère que la plupart de nos jeunes ont suivi au cours de leur scolarité plusieurs centaines d’« heures » de langue vivante, quelques économies sont sans doute à réaliser vu qu'il s'agit de millions d'élèves depuis des années.
C’est là un troisième exemple, particulièrement frappant, du fait que les « vaches sacrées » qu’on ne saurait critiquer ou corriger sous aucun prétexte car ce serait déranger de puissants lobbies, ou tout simplement inquiéter la pensée unique, coûtent très cher à la Nation non seulement en termes de budget mais aussi de performance. Il ne s’agit pas ici de critiquer à plaisir, il s’agit de mettre en lumière le fait qu’à un moment donné et sans doute prochain, il sera clair que la rigueur financière
même si elle est nécessaire, ne saurait remplacer à elle seule la rigueur intellectuelle et morale qui doit s’appliquer à l’ensemble des acteurs de la Nation et qui en a conduit certains, parmi les plus importants, à ne pas apporter une contribution proportionnée à ce qu’ils reçoivent d’elle.
Or l’effort de justice sociale auquel nous invite le nouveau gouvernement implique précisément, que cette justice, si elle veut être efficace, s’applique à tous et donc également à des corps intermédiaires qui sont dépositaires d’une part considérable de l’effort collectif. Souhaitons qu'il en soit ainsi car c'est là que le vrai changement commencera.