Depuis six ans, Chaville fait machine arrière. A l'heure où en Europe et en France une crise durable qu'on s'obstine à réduire à la seule problématique budgétaire des Etats, rend de plus en plus nécessaires de nouvelles approches et de nouvelles initiatives dans les domaine économique, social, culturel, éducatif ou écologique, une ville de 20.000 habitants, la nôtre, se voit exploitée et mise sous le boisseau avec la plus parfaite indifférence sous l'égide d'un non-chavillois
Dès 2008, elle est considérée par sa nouvelle municipalité comme une simple bonne affaire pour la promotion immobilière des Hauts-de-Seine et tout projet municipal se ramène peu ou prou à ce genre d’activité. Pour eux comme pour leurs amis à Levallois ou ailleurs, ce ne sont pas les promoteurs qui doivent s’adapter à la ville, c’est celle-ci qui doit les servir. « Main basse sur la ville » version 2010, en quelque sorte.
Peu importe ici la véritable raison de ce comportement, on la lira sans doute l’un de ces jours dans nos journaux, hélas. Nous voulons simplement ici, exemples à l’appui, montrer que non seulement on doit faire autrement mais que surtout on le peut. Qu’on nous pardonne le caractère un peu technique de ces articles mais la politique locale n’est pas seulement affaire de mots d’ordre nationaux à décliner, de promesses creuses ou irréalistes voire de « collaboration » avec les intérêts privés. C’est aussi et surtout du travail, de la volonté et un minimum de technicité, laquelle est tout le contraire de la technocratie. Celle-là éclaire et assiste une volonté politique, celle-ci l'obscurcit et la paralyse.
Dans ce premier article nous aborderons l’économie chavilloise.
Dans le domaine économique, il est ridicule de vouloir réduire notre ville à n’être qu’un quartier résidentiel et cher de GPSO. Elle dispose en effet :
- d’une situation privilégiée en termes de transports et de communications,
- d’une zone de chalandise dotée d’un pouvoir d’achat appréciable,
- de la proximité immédiate de sièges de grandes entreprises,
- d’une image de marque intéressante liée à l’Histoire et à la géographie,
- d’une proximité avec Paris et Versailles,
- d’équipements publics de qualité.
L’ensemble de ces facteurs aurait dû assurer à Chaville une prospérité appréciable, génératrice d’emploi, de ressources économiques et de vie locale. Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? Parce que pendant des années aucune politique d’urbanisme cohérente durable n’a pu être menée pour embellir et enrichir la ville et qu’au moment où de premiers résultats allaient être engrangés en Centre-Ville, celui-ci s’est vu à la suite du changement de municipalité détourner en une vulgaire opération de promotion inadaptée à cet endroit et qui de ce fait coûtera finalement aux Chavillois au lieu de leur rapporter. De plus, dans un pays qui a la désastreuse habitude de céder continûment la ressource stratégique des villes c’est-à-dire leur domaine foncier, au secteur marchand, la pratique d’un bon urbanisme est très difficile, en tous cas très lente et dépendante de la présence d’élus compétents, disponibles et motivés par leur attachement à une ville où ils vivent vraiment.
Tout n’est pas perdu cependant car :
- le centre-ville n’est pas encore totalement stérilisé par le béton résidentiel. Moyennant une renégociation « gagnant-gagnant » avec les constructeurs, on peut encore limiter le préjudice causé à l'avenir de la ville. Il faut revenir à une réalisation intelligente et rationnelle incluant entre autres un marché aux comestibles dimensionné et couvert, largement ouvert à la concurrence et doté d’un espace de stationnement suffisant alors que dans le projet modifié, l’un et l’autre ont été, toujours pour les mêmes raisons, réduits au point d’obérer leur avenir. Il faut aussi écouter les professionnels et construire avec eux et non considérer leur activité comme un détail voire une nuisance par rapport à l’habitat, Nous n'inventons rien, le parti-pris de réserver un espace couvert beaucoup trop réduit avec très peu de stationnement montre bien où l'on veut en venir...
- une certaine activité subsiste encore dans nos quartiers et peut être relancée par des mesures appropriées,
- certaines zones de Chaville, y compris à proximité du centre-ville ou des gares, recèlent encore un potentiel qui avec du temps et de la patience peut être valorisé,
- les fondamentaux de l’économie chavilloise restent présents.
Deux exemples :
1. Aujourd’hui, nos artisans professionnellement liés à la construction ou au bâtiment se trouvent dispersés de long d’un axe non sérieusement aménagé. Ils peinent à payer des baux élevés et à assurer le lien entre activité commerciale, administrative et technique sans parler d’autres problèmes généraux tels que l’indifférence municipale à leur égard. Pourquoi ne pas leur proposer un lieu central où ils pourraient offrir à leurs clients et prospects un espace de vente moderne, bien éclairé, doté de services mutualisés (exposition des produits ou prestations, secrétariat, prospection, parking clientèle et artisans voire cafétaria).
Cette formule déjà et nous l’avons visitée et utilisée en Bretagne (à Plescop près de Vannes, voir photo).
Pourquoi pas un « Arti-Show » à Chaville ?
autre. De toutes façons la situation ainsi créée sera, à brève échéance, ingérable pour le groupe.
A moins bien sûr que la municipalité ne nourrisse le projet scélérat, en cas de réélection, de favoriser le rachat de l’emprise d’un MONOPRIX techniquement dépassé par ses inévitables « amis » promoteurs tout en racontant ensuite aux Chavillois qu’ils n’ont qu'à se contenter du CASINO, qui ne propose que de l’alimentaire mais a des caisses automatiques donc moins d'emploi local.
Qu’on nous épargne aussi les réponses traditionnelles justifiant le 100% résidentiel, véritable obsession de la droite locale (« Les Chavillois n’ont qu’à aller à Boulogne ou à Issy » ou « Les bureaux ce n’est pas pour Chaville ») car d’une part il ne s’agit pas ici de « bureaux » et d’autre part c’est une loi de l’économie territoriale que (bien géré) le commerce attire le commerce. Une Maison moderne et dynamique de l’Artisanat, ne serait-ce pas à la fois le moyen d’utiliser rationnellement l’espace disponible, de stimuler l’activité des restaurants voisins, d’attirer une nouvelle chalandise à Chaville et de créer de l’emploi local ? Accessoirement, une telle offre permettrait à certains artisans de récupérer du capital inutilement bloqué dans des locaux inadaptés ce qui leur permettrait d’investir pour leur développement et de libérer, précisément, ces locaux pour de vrais commerces.
Casino : il y a des choses à faire !
Nous disons résolument NON à une vision systématiquement défaitiste de l’économie chavilloise qui sous prétexte de « réalisme » fait fi du potentiel réel de notre ville, encourage à grands frais, pour sauver la face, de micro-initiatives commerciales sans lendemain dans un environnement encore défavorable et n’aboutit qu’à une conclusion : servir d’abord des intérêts extérieurs qui n’apportent rien si ce n’est le renforcement de la ville-dortoir. A noter d'ailleurs qu'en soumettant le centre-ville à la domination des promoteurs, on aboutit à habiller Pierre (le centre) en déshabillant PAUL (les quartiers) car du point de vue des vendeurs d'appartements, il n'y a pas lieu d'aller chercher ailleurs des locataires qui existent déjà à Chaville (PICARD, NICOLAS...PAUL etc.). Le réalisme de toute cette "politique" existe bel et bien, mais il ressemble fortement à du cynisme, ce qui d'ailleurs ne surprendra personne.
2. L’un des plus vieux problèmes de l’économie locale est celui des CRENEAUX, sujet bien connu des anciens Chavillois. Comme dans bien d’autres immeubles de ce genre il est principalement dû à un problème juridique, celui de la copropriété mixte qui associe propriétaires institutionnels ou individuels de logements et propriétaires bailleurs des locaux commerciaux de pied d’immeuble avec des intérêts divergents, en particulier au sujet de l’entretien et de la sécurisation des parties communes. De plus, le mélange d’activités différentes allant de la mini-pizzéria au lieu de culte en passant par le sympathique restaurant Le Latino, hélas peu visible vu la structure des lieux, la pharmacie ou des locaux obstinément désertés faute de paiement des charges ne facilite pas les choses. On aboutit à différents problèmes souvent imputés à tort à la Police Nationale, alors qu’il s’agit de locaux privés où l’intervention publique ne saurait être permanente et où des charges nécessaires ne sont pas, ou trop lentement assumées.
Les Créneaux, un pari à relever !
C’est la raison pour laquelle la précédente municipalité (la nôtre) avait entrepris de racheter progressivement l’ensemble des locaux afin de pouvoir, dans un premier temps, offrir des services publics de proximité (CCAS, Pôle emploi, Crèche, PMI etc.) et dans un second temps, envisager de disjoindre la copropriété et de trouver à ce lieu une nouvelle vocation, compatible à la fois avec la tranquillité des riverains, le développement économique et le service public.
Cette politique nous semblait et nous semble toujours la seule raisonnable et possible mais elle a bien sûr été suspendue par les locataires actuels de la mairie, pour qui le secteur privé résout tous les problèmes de lui-même. Cela ne les empêche d’ailleurs pas de faire largement appel aux fonds publics lorsqu’il s’agit d’améliorer la sauce des affaires, en particulier celles des promoteurs.
Nous ne partageons pas ce point de vue, qui montre assez son ineptie au travers paysage chavillois, où l'on voit laissé à l'abandon tout ce qui ne peut être (pour l’instant) exploité par la promotion privée. Exemple :
Six ans déjà, mais ça n'a pas l'air de les préoccuper...
Il faudra donc la reprendre, mais sans doute faudrait-il plus largement l’associer dans la réflexion, en ce compris les espaces de stationnement respectifs, aux éléments d’urbanisme voisins tels que l’Atrium et son parking en co-propriété et la « 10ème avenue », cet ensemble de locaux de bureaux édifié du temps de Marcel HOULIER mais qui a malheureusement vieilli, en plus de quelques défauts de conception.
Nous nous attacherions, au contraire de ce qu’on fait trop souvent, à mettre la charrue derrière et non devant les bœufs, en concevant d’abord un projet global apte au développement des entreprises et commerces, lié à notre communauté d’agglomération et cohérent avec l’évolution économique et culturelle de notre zone géographique avant d’envisager toute opération ponctuelle d’architecture. Pour nous, un projet n’est pas d’abord une réclame favorisant la résidentialisation et prenant simplement prétexte d’une opération sportive ou culturelle qui se voit ensuite progressivement reléguée au second plan ou détournée de son but comme les opérations « Maneyrol » ou « Centre Culturel et de Loisirs » (tiens, tiens, on ne parle plus de MJC ?) après le centre-ville lui-même, menacent de l’être.
Notre projet doit
- d’abord être durable et dans le cas des Créneaux, axé sur le développement des services à l’économie et à la société locale avec le concours de véritables professionnels de ces secteurs. Il faut explorer les voies de la résidence hôtelière, des services médicaux et para-médicaux, des services résidentiels à un coût raisonnable, d’une pépinière d’entreprises etc.
Il faut, on le voit, reprendre le chemin du bon sens et de la fidélité aux intérêts des Chavillois et se garder d’ajouter foi à la simple communication, aussi luxueuse qu'elle soit.
- Il doit ensuite s’accompagner d’une profonde requalification de l’avenue R.Salengro (où rien n’a été fait depuis six ans si ce n’est une gestion hasardeuse du stationnement) et qui soit apte à la rendre accueillante, conviviale et sûre.
- Enfin, une liaison abritée, un chemin piétonnier et cycliste arboré pourrait et devrait la relier à un centre-ville optimisé. Les circulations coordonnées c’est très important et rien n’est pire que les initiatives architecturales coûteuses et disparates, livrées à elles-mêmes dans un environnement isolé. La cohérence urbaine est en effet la base même d’une ville agréable et florissante.
Comme le bloc Atrium-10ème avenue, les Créneaux ont un avenir à condition de ne pas laisser Chaville dans des mains inexpertes et d’accepter le temps nécessaire pour qu’à l’indifférence, succède enfin l’action pertinente.
Dans notre prochain article nous évoquerons le domaine social, pour lequel il y a aussi beaucoup à dire à Chaville.
Jean Levain