Le jour de Noël, Claire, tu nous as faussé compagnie. A René, à ta famille qui t’était si chère mais aussi à nous.
Cela fait bien plus de trente ans qu’on se connaît alors je voulais parler un peu de toi à ceux qui n’ont pas le privilège d’avoir été tes amis. Née dans l’une des villes impériales du Maroc, tu as toujours gardé en toi plusieurs Méditerranées qui parfois s’opposaient, parfois s’alliaient et pour le meilleur : l’enthousiasme, la finesse, la culture, la capacité à rebondir aussi car les années n’ont rien pu voler à ton courage d’entreprendre.
Au contraire elles ont fortifié ton militantisme si bien que c’est assez tard que tu t’es engagée en politique, au PRG, devenant conseillère des Français de Belgique de 1989 à 1991 puis élue jusqu’en 2000 à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Tu avais rejoint DEMOCRATIE 2012 et "planché" lors de son récent Colloque sur l'image de la France à l'étranger.
Et cette fibre, ce talent de ceux qui inlassablement, sous le plomb du soleil et l’azur des midis font pousser orangers, blés verts, dattiers ou vignes et qui est de joindre le discours et l’acte, de cultiver à la fois le Verbe et la chère, tu l’avais bien.
Ainsi la culture, pour toi, ce n’était pas seulement aller au spectacle ou au cinéma. Tu connaissais et faisais connaître des artistes, tu les choisissais pour un public, tu recherchais chez eux, comme dans tout, la qualité. J’en ai d’ailleurs gardé quelques œuvres chez moi et m’en félicite aujourd’hui car au-delà de leur valeur intrinsèque, elles me seront un durable souvenir de toi, qui vivais ta culture.
Mais surtout, contrairement à certains, tu as su comprendre qu’on pouvait maîtriser, aimer et même faire métier d’enseigner brillamment aux jeunes une Culture, celle de nos amis Anglo-Saxons, sans en devenir le docile mais mauvais zélote. Les "Anglo-Saxons" sont nos amis, car c’est d'abord à leurs sacrifices et à ceux des Russes que nous devons d’avoir été libérés de "nos" fascismes et nous partageons des valeurs. Pour autant, tu le comprenais mieux que personne, il n' y a aucune raison sérieuse de transformer leur culture authentique en une Ersatzkultur, encore moins de la propager.
En tant que Présidente de la délégation bruxelloise de l’association nationale Défense de la Langue Française, tu as donc constamment et avec succès mené le combat contre le non-respect d’une règle fondamentale dans une Union Européenne qui voudrait réussir : la diversité linguistique. « Européenne » convaincue, tu savais en effet qu’une nation – a fortiori une éventuelle « supernation » échafaudée sur la base d'intérêts économiques - ne saurait espérer vivre sans une épine dorsale linguistique et culturelle et qu’on ne saurait se faire greffer celle des voisins surtout quand on les considère en même temps comme les trouble-fêtes d'une Europe continentalisée.
Tes mérites ont été reconnus par « la bleue » et « la rouge » autrement dits l’ONM et la Légion d’Honneur. Mais davantage encore que par le souvenir de ces distinctions méritées, c’est par l’image d’un feu à éclats de vie, d’intelligence mais aussi de douceur que tu laisseras dans nos cœurs un impérissable souvenir. Peut-être te servira-t-il de viatique, là-haut où tous les Méditerranéens devraient, peut-être, se rejoindre et s’aimer. Peut-être aussi est-ce cela, l'esprit de Noël.