L'attentat contre CHARLIE HEBDO a déclenché une puissante onde de choc et suscité, après une émotion partagée dans toutes les démocraties et même ailleurs, des réactions diverses. En ce qui concerne notre pays, une réflexion nécessaire est entamée sur une situation qui n'est pas sortie du néant. Il s'agit d' échapper pour une fois au court-termisme ambiant et de reconstruire au moins en partie notre société si l'on veut éviter de dangereuses réactions en chaîne. Voici notre contribution.
Quand un Etat est gravement touché par des attentats terroristes, une réaction immédiate se produit le plus souvent, sous le coup de l’indignation et de la colère. La peine de mort, les peines incompressibles, les quartiers d’isolement sont évoqués ; les forces de l’ordre se font plus visibles, les contrôles sont généralisés et provisoirement durcis. Le législateur emboîte le pas, faisant pleuvoir illico de nouveaux textes sur la tête des enseignants et des policiers. Ainsi en a-t-il été aux Etats-Unis et ailleurs. Si, comme en France, des actions de fond avaient été lancées pour moderniser le fonctionnement de la Justice ou des forces de l’ordre, elles risquent d’être ajournées sous la double pression des impératifs budgétaires et de l’opinion publique. Pour autant les bilans des mesures «à chaud» tels qu’on peut les observer dans d’autres pays, sont en général décevants.
Compréhensible, cette réaction instantanée présente en outre deux risques importants. Le premier, c’est d’être inefficace voire contre-productive alors que dans la plupart des cas, l’arsenal législatif existe déjà et manque seulement de moyens ou d’une bonne coordination pour être efficace. Le second, c’est d’ignorer le fait que lorsqu’une crise sociale grave se produit et la multiplication d’attentats terroristes en laisse deviner une, elle provient de la conjonction d’une série d’évolutions de fond, souvent imperceptibles sur le moment mais dont la résultante est redoutablement efficace. Or si ces évolutions de fond persistent ou se voient même renforcer par l’application de mesures immédiates censées en pallier les effets, pourquoi les effets de la conjonction des causes cesseraient-ils, eux, de se faire sentir? Dès lors, la valeur ajoutée d’une réflexion individuelle ou collective nous paraît consister dans une analyse objective associée à un raisonnement de fond autonome et à l’articulation d’une proposition politique globale.
Nous tenterons donc ici d’énumérer de façon non exhaustive ni hiérarchisée les principaux facteurs paraissant concourir soit à la constitution d’un terreau favorable à l’extrémisme soit à la concrétisation de celui-ci. D’un côté la formation du mélange détonant, de l’autre le détonateur qui le fera exploser. Ce qu’on sait du profil des tueurs indique en effet qu’ils allient une jeunesse « paumée», des débuts repérables dans la criminalité, le contact avec les milieux fanatiques islamistes au travers tant au sein du milieu carcéral que de communautés non contrôlées, les contacts enfin avec les zones d’entraînement et/ou de conflit, le plus souvent au Moyen-Orient. A noter qu’ils font souvent partie de la 3ème ou 4ème génération née en France ce qui souligne la faiblesse du lien direct du problème avec l’immigration présente. Mais on peut aussi se demander pourquoi les attentats se concrétisent maintenant et pas avant, ou plus tard.
- Les facteurs de fond
. Notre mode de gestion de l’urbanisme et du logement tend objectivement à freiner la mobilité des populations en proportion directe de leurs moyens d’existence. Le droit au maintien dans les lieux, censé protéger le droit au logement des défavorisés, aboutit en effet au résultat inverse et se traduit dans la pratique, entre autres effets pervers, par l’asile garanti aux fauteurs de trouble et trafiquants en tous genre*. Le taux de rotation du logement « social » étant quasi-nul, il tend en plus à repousser les populations moins favorisées hors des métropoles tout en les ancrant dans des zones spécifiques qui constituent dans certains cas de véritables quartiers-citadelles. Il ne semble pas que cette dimension soit prise en compte dans le maintien obstiné de la très coûteuse politique de l’aide à la pierre, qui se fait sous la dictée d'un puissant lobby, largement privatisé aujourd'hui. Quant à l’Urbanisme, quoiqu’en progrès, il permet difficilement à l’activité économique de se rapprocher des zones d’habitation ( manie des tours). Au travers d’une vision beaucoup trop patrimoniale de la construction, il contribue lui aussi à la formation de zones de non-droit, propices au trafic d’armes.
* dans l'état actuel de la loi, l'inexistence d'un bail à durée déterminée dans le parc social empêche de menacer quiconque de devoir déguerpir même s'il se rend coupable de troubles graves voire de crimes. Les rares explusions se font pour des motifs...financiers (!) et encore faut-il avoir relogé préalablement les coupables. Le patrimoine HLM étant de nature privée, la police ne peut y opérer librement ; le maire n'a rien à y dire non plus. Mais... que fait le maire, que fait la police ?
. Le délitement des cadres familiaux est une évidence, avec une proportion grandissante de familles séparées ou recomposées. S’il s’agit là d’un fait de société non gouvernable, il reste qu’il génère en permanence des chocs psychologiques que supportent difficilement les populations moins favorisées, exposées surtout en périodes de crise prolongée à perdre emploi, logement, stabilité de l’accompagnement éducatif des enfants etc. Cette évolution n’est à aucun degré compensée par un « supplément d’âme» éducatif institutionnel. Même si ce phénomène s’affadit sous l’effet de l’évolution interne des pays d’émigration, les traumatismes peuvent être encore plus importants quand il y a choc culturel lié aux générations, en particulier en matière de différenciation des genres. On peut donc penser que la réappropriation par conversion d’un Islam mal digéré et sorti de son contexte historique mais servant de prétexte au maintien de traditions culturelles sans rapport direct avec la religion, constitue une réaction «naturelle» face au déficit normatif d’une République qui clame certes ce qu’il faut faire ou ne pas faire, mais sans le montrer ni l’incarner voire même en fournissant de nombreux contre-exemples.
Et voici une tendance essentielle : au travers du terme «Education Nationale», une regrettable confusion entre Education et Enseignement s’est institutionnalisée et se maintient obstinément. Elle tend mécaniquement à faire porter au seul monde enseignant l’essentiel de la charge éducative et à déresponsabiliser d'autres acteurs pourtant tout aussi essentiels (famille, éducation populaire et autres services de l’Etat dont la Défense, entreprises ou organisations philosophiques, laïques, politiques et confessionnelles). Parallèlement, l’administration concernée s’est hypertrophiée et rencontre de grandes difficultés à assumer correctement un ensemble beaucoup trop large de missions. Les raisons en sont multiples : principes de fonctionnement parfois aberrants*, soutien insuffisant aux enseignants, prolifération du papier, priorité donnée à l’enseignement général sur l’apprentissage ou les enseignements professionnels, méconnaissance du monde extérieur auquel les élèves sont destinés etc. A noter en passant que maîtres et instituteurs, après avoir prédominé, tendent à disparaître d’un monde enseignant primaire et maternel jadis essentiellement masculin pour des raisons à la fois sociétales et économiques. Cela n'a pas que des avantages, le principe d’autorité normative étant dans bien des cultures, musulmanes entre autres, associé à l’environnement masculin.
* Quelques exemples parmi d'autres : dans les établissements primaires la direction n'a pas autorité sur les enseignants ; les statuts des enseignants de l'enseignement général ou professionnel ne sont pas les mêmes et lorsque l'échec est flagrant au niveau national (par exemple pour l'enseignement des langues), il n'entraîne ni critique effective ni mesures mettant fin au gaspillage institutionnel en sanctionnant ses responsables de haut niveau. Comment fonder le fonctionnement d'une entreprise de 700.000 personnes sur l'injustice et les principes de non-responsabilité et de non-autorité ? La co-gestion n'est pas toujours une bonne idée....
Par contre, deux apports essentiels à l’acquisition d’une éducation citoyenne étaient constitués d’une part par l’existence d’un service national qui jouait le triple rôle de creuset d’une diversité culturelle croissante, d’entrée initiatique en société des jeunes gens ainsi que de leur "formatage" des jeunes avant la vie active, d’autre part par l’existence de mouvements de jeunes et d’éducation populaire importants. Ces deux piliers se sont vus progressivement supprimer ou réduire à la portion congrue sous l’effet d’une vision technocratique, du déferlement de normes et de cette recherche permanente de responsabilités personnelles qui finit par décourager l’effort associatif tout en ignorant délibérément la responsabilité des dirigeants de grandes administrations face à leurs missions, même quand de toute évidence elles les remplissent mal ou pas du tout.
En d’autres termes, la laïcité en action au travers de l’action publique ou du mouvement associatif s’est vu et se voit toujours préférer une vision théorique qui reste incompréhensible pour une grande partie des jeunes, surtout dans le contexte numérique actuel. Cette vision s’oppose à la prise en compte éducative des idéaux philosophiques ou religieuses alors même que depuis la Loi Debré de 1959 l’Etat finance par dizaines de milliers les postes dans l’enseignement privé (à 80% catholique) et que le développement de l’éducation populaire laïque reste bridé. Deux conséquences à cela : on a a transformé la Laïcité française en abstraction au moment même où l’on a besoin d’elle... sur le terrain. Et sur le terrain, toute mesure contraignante justifiée ou non et tournant autour de la fameuse carte scolaire entraîne nécessairement une fuite vers le privé, lui aussi financé par l'Etat quoique non soumis aux mêmes règles. Le fond de la question, c'est qu'on fait semblant de croire que l'Etat a le double monopole de l'éducation et de l'enseignement. Or la première hypothèse est absolument fausse et l'autre l'est depuis que l'on a, sous une gouvernance de gauche, accepté la loi Debré. Il faut donc refonder l'éducation républicaine en conséquence, dans une vision beaucoup plus large et non s'en prendre exclusivement à l'Ecole : le laïcisme est devenu l'ennemi de la laïcité et surtout, il freine la sortie de crise éducative.
. La France traîne un autre boulet : une Justice et surtout une administration pénitentiaire sous-dotées par rapport aux critères européens, avec pour résultat la promiscuité entre détenus à de longues ou courtes peines pour des faits plus ou moins graves ; et la perte d’efficacité d’éléments importants comme la PJJ qui n’a cessé de voir ses moyens rognés depuis des années, au risque de démotiver son encadrement, l’ un des seuls à aller vraiment au contact des populations vulnérables au risque de dérive terroriste. Le phénomène s’accompagne d’une généralisation du trafic d’armes que l’extension de l’UE à des zones de production ou de commerce d’armements portatifs ne peut que favoriser, y compris pour de «petits budgets». On retrouve également là les inconvénients d’un système carcéral délabré depuis de nombreuses années et à qui l’on demande plus qu’il ne peut donner dans l’état actuel des choses. Quant à la police, il s’agit d’un sujet technique mais aussi de cohérence globale : même si la coordination entre services y était parfaite, à quoi bon lancer ses fonctionnaires sur la piste de criminels «sociaux» si une Justice saturée les remet dans le circuit?
Enfin, la situation économique générale n’arrange pas les choses et si les économistes ou financiers prennent très facilement leur parti d’un chômage frictionnel voire structurel, il s’agit bien sûr d’une analyse quantitative alors qu'un dirigeant politique n'est ni un capitaine d'industrie ni un banquier. Elle ne rend donc pas compte du risque qualitatif que comporte le maintien des mêmes populations dans une forme de misère même si elle n’est pas toujours matérielle, dans un cadre où la dominance assumée des «valeurs» libérales vient battre en brèche l’affirmation des valeurs républicaines. Dès lors la tentation de rechercher à résoudre autrement cette contradiction se dessine, amorçant le piège du nihilisme politique, du fanatisme religieux et de la haine des possédants : d’une certaine manière, la mouvance islamiste est idéologiquement cousine de celle de l’extrême-droite.
- Les facteurs déclencheurs
. En toile de fond, la politique extérieure des Occidentaux, de l’UE et de la France constitue une trame importante pour les actions terroristes ou provocatrices des Etats et groupes ou individus armés. La France a évolué sur ce point, se profilant progressivement en avant du groupe des grands pays de l’UE et se rapprochant de la ligne suivie par les Etats-Unis sans avoir forcément les mêmes moyens. Il semble difficilement niable que cette évolution apporte un supplément de risques à notre pays, d’autant plus que contrairement aux Etats-Unis il ne la compense pas en dialoguant activement avec d’autres acteurs importants du théâtre moyen-oriental comme l’Iran, la Turquie ou la Russie qui y disposent de moyens d’intervention significatifs.
Elle reste également muette sur ce qui se passe en Palestine où les victimes civiles se comptent par milliers et où une politique de force et d'oppression tolérée voire avalisée par les états de l'Ouest (mais pas par le Parlement de l'UE) à leurs propres frais (puisqu'ils règlent la facture des destructions opérées par Tsahal) est perçue par certains comme une simple réplique à des attaques ciblées menaçant son existence. Mais pour l'ensemble du monde musulman, même modéré, elle est ressentie comme la perpétuation et l'aggravation par l'hypocrisie d'une injustice ne laissant d'autre alternative à une humiliante soumission que la résistance armée voire la dissémination du conflit*. Pendant ce temps nos diplomates qui savent bien, eux, ce qu'il en est, favorisent l'évolution vers une situation dont les Nations-Unies avaient déjà décidé le principe en 1947 mais qui se voit sans cesse remise en cause sous prétexte de négociations bilatérales : la constitution en bonne et due forme d'un Etat palestinien. Mais cette démarche-là est beaucoup moins visible. Ainsi, cette attitude ambigüe de la part d'un pays se disant patrie des Droits de l'Homme et ouvert à toutes les cultures peut être perçue négativement et offrir ainsi un prétexte aux violences.
* ...ce qui est le fondement même du djihad : le bon Musulman ne doit, en théorie tout au moins, prendre les armes que s'il est injustement attaqué. Il est d'ailleurs à noter que la Haganah, bras armé de l'Agence Juive et ses groupes dissidents (Irgoun, Groupe Stern) avaient au début des années 50 recouru, pour les mêmes raisons, au terrorisme tous azimuts afin de contraindre la puissance mandataire britannique à déguerpir et à laisser se constituer un état hébreu indépendant....auquel ils ont d'ailleurs fourni ensuite des dirigeants politiques parmi les plus importants. Mais dans l'Histoire, cela n'a rien d'exceptionnel.
. A court terme, une exacerbation des tensions se fait d’autre part sentir en Europe. Elle se nourrit de l’inculture et des préjugés de tous mais aussi des comportements volontiers provocateurs d’une jeunesse en quête d’idéal, des prises de position tapageuses de certains intellectuels ou artistes, de la démagogie politique ou du vocabulaire non mesuré de journalistes, tous plus ou moins alimentés par une grande ignorance des religions en général et de l'Islam en particulier. Elle se nourrit aussi, disons-le, d'un vieux fonds Croisé, parfois repeint en laïcité et qui fait considèrer que tout est permis vis-à-vis de l'Islam mais pas des autres religions du Livre. Imagine-t-on des caricatures de Jésus, de la Sainte-Vierge ou plus modestement de Natanyahou en première page de la presse satirique ?
Pourtant, l'Europe "chrétienne" a tout de même (par action ou par omission) un fier nombre de massacres (y compris entre Chrétiens comme en Irlande ou dans l'ex-Yougoslavie), de pogroms et la Shoah sur la conscience...bien davantage en tous cas que le monde musulman, ce qui bien entendu n'excuse aucune action terroriste. Mais faut-il considérer qu'il y a prescription pour ces millions de Juifs morts d'il y a 70 ans seulement et que seuls comptent les crimes récents? Et de plus, en imputant collectivement à une seule religion les horreurs commises par certains de ses nouveaux convertis, presque tous nés en France à la seconde ou troisième génération ? Or, impute-t-on les atrocités commises par les troupes allemandes (Gott mit Uns), Hiroshima (In God We Trust) ou l'esclavage aux Chrétiens (jusqu'à Jules Ferry compris et même plus tard la plupart des Français se voyaient en race supérieure) in globo ?
Pourtant, sous l'effet des chocs répétés, une remontée continue des amalgames, références historiques ou tropismes racistes se fait sentir et dans leurs sillage, de raisonnements bien étranges qui empêchent de se poser quelques bonnes questions. On est donc à la merci d’actes et de déclarations irrationnels ou irresponsables d’importance relative, mais dont le retentissement sera exacerbé par les media et pourrait déclencher une réaction en chaine.
- Une action globale
Face à ce complexe, il paraît nécessaire d’agir de façon coordonnée à la fois dans le temps et dans l’espace tant sur les facteurs de fond - ce qui implique d’inverser certaines tendances lourdes de nos politiques traditionnelles - que sur les facteurs détonants à court terme. On pourrait espérer de ce diptyque une diminution progressive du risque terroriste.
Actions de fond
3.1 Tout le monde ou presque s’accorde à penser qu’ il faut œuvrer dans la continuité pour qu'une solide éducation républicaine et laïque vienne donner à nos jeunes des cadres de vie plus clairs et plus fermes pour exercer leur liberté. Le problème, on l'a vu, c’est qu’en France l’équivalence officielle Education = Enseignement transforme automatiquement l’ensemble des mesures nécessaires en une série de consignes supplémentaires imposées aux enseignants de terrain alors qu’ils figurent déjà parmi les premières victimes de la situation actuelle. Cette fausse équivalence est également néfaste à l’apprentissage du civisme qui selon nous relève moins d’une Instruction Civique au contenu théorique et aux horaires aussi modestes qu' incertains que d’un exemple crédible et constant donné par un encadrement de terrain impliquant familles, associatifs, entreprises et l’ensemble des services de l’Etat, Instruction Publique comprise.
Dans ce cas-ci, réussir impose donc une conception beaucoup plus large qui implique
- De distinguer la fonction éducative et la fonction enseignement, tournant ainsi le dos à une regrettable confusion intellectuelle qui obère l’action en faveur d’une meilleure intégration et l’apprentissage du civisme fondé sur l’expérience quotidienne du respect d’autrui.
- De partager réellement l’Education avec ses autres acteurs : familles, collectivités territoriales, autres services de l’Etat, organes philosophiques ou laïcs (par exemple l’UFAL***) et confessionnels (eh ! oui, pourquoi pas dans le cadre de l'Ecole Publique?) , associations nationales et entreprises, grâce par exemple à des Conférences régulières assorties de plans d’action nationaux qui ne soient pas à la discrétion du seul Ministère de l'Education Nationale. Restaurons ou réparons les 4 Piliers de l'Education : la Famille, l'Etat, l'Associatif et le Spirituel.
- Un apprentissage culturel pratique permettant à chacun de mieux se comprendre soi-même et de comprendre les autres de préférence et en tous cas préalable à un enseignement purement théorique de l’histoire des religions, probablement fléché pour des jeunes de l’enseignement général.
- Que les méthodes employées pour l’apprentissage du civisme renouent avec le bon sens et donc avec le principe de l’émulation républicaine. Le PR en a donné un exemple brillant et unanimement apprécié en procédant à la naturalisation anticipée de l’employé malien de l’Hyper-Casher ayant sauvé plusieurs clients. Comme la punition, la récompense doit en effet être immédiate pour être comprise et appréciée. La docimologie scolaire, faisant appel à des ressorts différents, diffère de l’apprentissage social qui exige l’exemple vivant et ’immédiat et la clarté des sanctions, positives ou négatives.
- Que l’ensemble de l’enseignement et de l’apprentissage concret du civisme forme une chaîne continue, sans césure tout au long de la vie scolaire et pré-professionnelle du futur citoyen
***On frise le ridicule quand on sait que pour être agréées au niveau départemental c'est-à-dire se voir ouvrir la porte des financements, les associations locales laïques doivent obtenir l'accord d'une fédération d' associations familiales d'un bord différent. Comment est-ce encore possible en 2015 ?
C’est pourquoi l’établissement un service civil universel (H & F) et obligatoire, creuset nécessaire d'une République diverse et préparant l'entrée en société ne peut que contribuer à limiter les risques en couronnant l’apprentissage civique. A ceux qui, se référant à l’époque du service de Défense, objectent que le coût en serait prohibitif, nous répondons que les dépenses indirectes induites par la situation actuelle le sont également, que c’est un sujet politique fondamental pour l’unité du pays et qu’il s’agit d’abord d’en établir le principe avant d’en discuter les modalités avec entreprises et administrations. Le Président de la République montre d'ailleurs la voie en évoquent un élargissement des initiatives actuelles de service pour les jeunes.
3.2. Reprendre dans un cadre européen le contrôle des facteurs techniques de surveillance, de coordination et d’action. Dans un cadre européen, car en signant Schengen et en privilégiant une approche intégrée de l’Union Européenne, les dirigeants français se sont eux-mêmes obligés à s’indexer sur les maillons les plus faibles ou les plus vulnérables de l’UE : toute «solution» purement nationale en matière de lutte contre les attentats est donc condamnée à l’échec tant sur le plan juridique que policier ou politique. Il y a cependant matière à négocier pour la France, qui fournit hors territoire «européen» un effort non partagé et même sanctionné au travers des contraintes budgétaires de la zone euro : sa contribution doit être enfin valorisée à son juste prix et non sacrifiée au rêve fédéraliste dans un contexte qui ne le permet plus. Voilà un moyen, par exemple, de financer un service universel.
Reprendre le contrôle, car, comme l’indiquent les faits survenus récemment en Wallonie, d’autres pays européens sont également concernés. Cela tend à démontrer que les raisons de l’émergence d’un terrorisme inspiré par Al Qaïda et ses clones sont générales. Des échanges de savoirs sur les origines de la prolifération d’attentats sont donc recommandables tout comme la coordination des services de police mais aussi de justice dans l’esprit de Schengen et le gouvernement s'en occupe, semble-t-il, déjà. Pourquoi ne pas penser aussi à un FBI européen, susceptible d’intervenir dans le même esprit que son homologue américain mais dans ce domaine spécifique, en ce compris sa cybercriminalité? Cette solution éviterait en même temps aux «grands» pays de l’Union, comme le nôtre, de porter un poids disproportionné en termes de renseignement et de police. Mais il faut aussi se garder d'une définition biaisée du terrorisme qui le transformerait en croisade.
Pensons également au rôle essentiel que peut jouer le maire, représentant de l’Etat. S’il existe des élus locaux cyniques ou trop idéalistes, il en existe beaucoup, particulièrement dans nos ruralités et rurbanités, qui savent intervenir pour seconder l'esprit de la Loi. Nous avons trop tendance dans ce pays à croire au pouvoir magique des textes ; au contraire, une gestion paternelle et proactive de situations potentiellement conflictuelles peut produire d’excellents résultats : les collectivités ne sont ni les servantes ni les coûteuses maîtresses de l’Etat, elles sont plus proches que lui des problèmes et peuvent l’aider à les résoudre, par exemple au travers d’un plan de réactivation des projets jeunesse et d’éducation populaire.
. Un investissement suffisant dans les moyens de la Justice et des forces de l'ordre ; ici aussi les choses vont paraît-il de soi. Il n’empêche que, depuis des décennies, la France refuse à sa Justice les moyens de rattraper son retard. Or l’équation financière est insoluble si les missions techniques attribuées à certains gros budgets ne font pas l’objet d’un examen plus critique, la Défense se voyant maintenant exceptée puisqu’elle est impliquée à divers niveaux dans le volet «terrorisme» et qu’elle a «déjà donné». Autre solution : étaler la dépense nécessaire dans le temps en empruntant modérément, non pour financer le déficit mais pour faire les investissements nécessaires. Le niveau des conditions proposées à la France rend cette option actuellement possible. Or qu’est-ce qui est le plus grave pour l’UE : la gestion du cours de l’euro ou la fracture politique et économique grandissante dans nombreux états de l’Union ?
. Un urbanisme éclairé et intelligent, fondé sur une réforme de nos principes patrimoniaux, est également indispensable. En effet, le développement des zones de non-droit est largement fondé sur un fonctionnement de plus en en plus aberrant du logement social (cf. supra). Mais l’urbanisme n’est pas neutre non plus : en obligeant toute forme de logement à passer par la case béton, en rendant les organismes HLM propriétaires fonciers alors que cette propriété n’est pas indispensable à leur activité, en empêchant par contre les collectivités de renouveler le tissu urbain quand elles l’estiment nécessaire et en pratiquant systématiquement l’aide à la pierre, notre urbanisme concourt non seulement à fabriquer des rebelles mais à leur offrir gîte et couvert. C'est pourquoi nous proposons un recours accru aux baux emphytéotiques sur les terrains publics**, la réforme du système de logement social avec la création de baux à échéance fixe renouvelables sous double condition de revenus congruents et de comportement civique, la révision des plafonds et la proportionnalité des loyers de base au revenu net.
**ce qui permettrait, comme dans bien des pays y compris libéraux, à la puissance publique de garder de façon pérenne la main sur le foncier stratégique.
Des frappes "shock and awe" sur Gaza à Charlie-Hebdo, de l'Hotel du Roi David aux tours WTC....Terrorisme d'Etat, Terrorisme de groupe ou d'individus, Terrorisme idéologique, ethnique ou religieux : peu importent l'époque, les auteurs, les méthodes : à court terme, il y a toujours de bonnes raisons pour s'attaquer aux civils. C'est l'esprit du terrorisme qu'il s'agit d'éradiquer ainsi que ses causes profondes.
Action sur les détonateurs
3.3. Une politique internationale juste, indépendante et objective. Il serait injuste de faire de l’évolution de la politique française au Moyen-Orient, le procès d’être la source des évènements actuels. Pour autant il est certain que pour des esprits simples ou déjà formatés, l'identification des intérêts d’un Etat particulier du Moyen-Orient avec ceux d’une communauté influente que la France se doit de protéger comme les autres, peut être ressentie comme injuste et condamnable. De même, l’engagement en Iraq, où nos intérêts directs ne semblent pourtant pas vraiment menacés, sera peu lisible. De façon générale une politique d’intervention plus ou moins isolée mais très visible sur des théâtres mal maîtrisés qu’à un moment ou un autre il nous faut abandonner (Libye, Afghanistan etc.) se traduit nécessairement par un prix non seulement financier mais humain à payer, il faut y être préparé. En d'autres termes, lorsqu'on fait cavalier seul mieux vaut que ce soit dans une démarche pacifique sinon cela peut coûter très cher humainement, politiquement et économiquement.
Le problème de la France a toujours été - mais ce n'est pas une exclusivité - de pratiquer en politique extérieure un mélange de valeurs morales et d’intérêts matériels dont le mystérieux dosage échappe à beaucoup de nos amis. Au moins peut-on :
A. Garder avec les grands états de la région la plus sensible des relations amicales dans la mesure où leurs intérêts ne divergent pas des nôtres et
B. Appliquer les critères moraux que nous disons défendre à tous nos partenaires de façon homogène, tout comme nos réactions compassionnelles officielles. Il ne peut y avoir pour nous, République laïque, de peuple élu quel qu'il soit, ni de préjugés de civilisation fondés sur une culture ou une absence de culture religieuse. Sinon, c'est que nous prenons parti pour un "camp" et il faut bien alors en assumer les conséquences.
C’est ce que nous entendons par politique juste et indépendante. Pour agir préventivement sur les "détonateurs", l’affichage de cette politique juste et indépendante est indispensable et serait sans doute efficace surtout s’il se combine avec la démonstration d’un très large soutien populaire.
3.4 Quant aux détonateurs internes à notre pays, nous insisterons sur la nécessité d’inciter inlassablement à la responsabilité toutes les communautés (dans la mesure où elles existent et sont vraiment représentés par leurs leaders supposés), tous les partis, tous les media également et particulièrement ceux qui fonctionnent en boucle. Quand des mesures sont prises en faveur des publics jeunes elles doivent rester générales et non ciblées à la façon d’une aumône qui ne fait que renforcer le sentiment d'exclusion. La question qui se pose maintenant est celle de savoir si la France restera confinée au domaine du Verbe et de l’incantation, invoquant d’autant plus bruyamment la Laïcité qu’elle la pratique de moins en moins ou s'engagera dans celui de l’Action réfléchie pour mettre le holà à des dérives qui nourrissent diverses formes d’injustice, tout en affirmant ses propres valeurs et en évitant de dénier aux autres les leurs. Encore une contradiction à vaincre, certes, mais elle est à notre portée.