L'immense Saint-Laurent dans son gainage de forêts. Ici, le Parc Naturel du Bic
Pourquoi le Québec et le Nouveau Brunswick ? Pour y poursuivre la quête de notre propre culture dans le monde, mieux en connaître ces porteurs sous la bannière fleurdelysée, le pavillon tricolore étoilé et le drapeau adorné de la feuille d’érable. Pour voir aussi de nouveaux et vastes paysages qui inspirèrent d’intrépides explorateurs, pour bénéficier du gîte et du couvert pour le corps, donc pour les papilles, les oreilles, les yeux et le cerveau en général.
Nous n’avons pas vu « Le Canada » bien sûr. Seulement, et bien trop vite, un peu du Québec et du Nouveau-Brunswick. Pourquoi s’abstenir pour autant du profit de tout voyage, celui de fonder une réflexion positive sur de nouvelles sensations, quitte à l’amender au fur et à mesure. Nous n’avons pas été déçus et sommes repartis plus convaincus que jamais que la culture profonde d’un peuple, affinée par les siècles et pleinement assumée par sa descendance est un tissu infiniment plus beau et plus durable que les sous-ensembles flous auquel veut nous inféoder le bon vieux mercantilisme rebaptisé mondialisation, dans une vision technocratique et corruptible, incapable de rien créer ou supprimer. Nous n’avons pas été déçus et ne pouvons qu’inviter au parcours personnel, superficiel peut-être mais toujours enrichissant du Voyage.
Ce n'est pas seulement la jeunesse que forme le voyage. Comme l'apprentissage des langues, il crée l'empathie nécessaire à la compréhension, que viendra corriger le raisonnement. C'est au contraire l'ignorance organisée par les conformistes sous prétexte d'égalité, en fait d'égalitarisme, qui crée ou conforte les préjugés, cette abdication de la raison qui nourrit tous les dangers. Alors, en route !
France aux Amériques ou Amérique française ?
Atterrissant à Québec, on peut se poser la question. Bien vite on s’aperçoit qu’elle n’a pas de réponse car le problème est mal posé donc insoluble. Le général avec son « Québec libre » l’avait comme souvent intuitivement saisi mais sut rester sous la protection de l’ambiguïté tout en contribuant à catalyser un processus local et autonome, longuement maturé par l’Histoire. Aussi n'a-t-il pas toujours été compris... dans une France continentale s’abandonnant déjà au pouvoir des Scribes euromaniaques. Sitôt posé notre grand oiseau blanc, on sent que le Québec et l’Acadie sont, culturellement et par leurs seuls moyens, passés à la vitesse supérieure dans leur développement culturel. De là à leur faire quitter la Feuille d’érable et une Fédération d'esprit confédéral, qui a su faire preuve de souplesse mais aussi parfois de fermeté par rapport au puissant voisin ou à la lointaine Albion en jouant sur ses propres différences…Au Québec, comme en Ecosse ou en Catalogne, il reste bien des choses à comprendre aux indépendantistes de même qu'en France, à ceux qui rêvent de dissoudre leur propre nation. Or To be or not to be (exister, ou ne pas exister)...That is the question (c'est bien là le problème) !
Eux au moins, ils affichent la couleur*...
Au Québec, dans une province stratégique pour le Canada, on n’a pas le sentiment d’une interrogation perpétuelle au niveau du vécu mais plutôt celui d’une tranquille assurance qui connaît cependant ses limites, celle des explorateurs du continent et coureurs de bois. Dispersés, mêlés aux nations indiennes, ils ont d’abord survécu puis composé avec la Nature et les puissances politiques pour survivre et assurer l’avenir. En Acadie, le processus n’est semble-t-il pas aussi abouti et le pavillon tricolore à l'étoile d'or distingue toujours moult demeures rassemblées ou isolées. Il a tout de même conduit, après combat opiniâtre, à la création d’une université francophone à Moncton au sein de la seule province canadienne officiellement bilingue, le New-Brunswick/Nouveau Brunswick. Il continue semble-t-il à mûrir dans un climat toujours un peu rude.
*Le sens de l'étoile d'or (polaire ou assomptionniste) en haut du bleu est au goût de chacun mais en tous cas elle symbolise la renaissance acadienne...
Cela, au plan politique ; mais ce qui est surtout prégnant c’est le comportement, très américain, de chacun. A chaque nouvelle chambre d’hôtes, nos amphitryons recherchent le dialogue et l’échange au lieu de se confiner prudemment à l’hôtellerie. Quoique très professionnels et efficaces, ils sont directs, tutoient facilement et nous font entrevoir un quotidien de respect mutuel mais aussi de solidité des convictions profondes qui rappelle un peu la Belgique : on n’est pas dans une démocratie princière où le compromis frise souvent à la compromission et le paradoxe à la légèreté mais plutôt dans un monde pragmatique, celui de la transaction intelligente accepté tant qu’il est possible mais refusé quand il ne l’est plus.
Un monde où la fidélité aux autres et à soi-même compte, aussi. A Caraquet, en Acadie néo-brunswickoise, l’hôtesse nous a fait revivre en costume d’époque, au [petit] déjeuner le Grand Dérangement qui en 1755 chassa les Acadiens de l’actuelle Nouvelle Ecosse ou les rapports entre Indiens Micmaq et les colons francophones. La métropole, elle, était partie se ruiner en guerres "européennes", balançant comme toujours entre un cousinage germain qui n’en est pas pour autant plus proche et sa vocation culturelle mondiale, entre le désir éperdu de se dissoudre et celui de rester un gendarme pontifical bénévole…A l'arrivée, elle a perdu à la fois sa mise et son gain précédent. Les choses ont-elles vraiment changé ?
La veille, nous avions dégusté ensemble avec d’autres Français venus de la Réunion (vous savez, cette île de l’Océan Indien...) les homards achetés à la poissonnerie (pêcheur-commerçant local) au royal prix de C$ 6,60 la livre soit à peu près € 10 le kilo. Très important, dans le coin, le homard ! Comme pour la morue ou cabillaud, après sa quasi-disparition, le Canada s’est décidé à des mesures drastiques. Dans le cas du crustacé, elles ont finalement conduit à sa réapparition saisonnière en abondance et à faire revivre une côte bien clairsemée, dans un pays où la saison touristique dure deux mois et demi. Mais quand une célèbre chaîne de « junk food » en vient à proposer (localement certes) des McHomard (!), on peut bien sûr se poser quelques questions !
Le maître-mot : interprétation.
Comme en Europe, la nouvelle muséographie abonde et parfois même sévit. Dans certains cas cependant comme pour le Parc national de Miguasha, elle mérite d'être appréciée et apporte "un max" au visiteur rapide.
Un sensationnel ancêtre: le « prince de Miguasha", poisson fossile aux nageoires préfigurant les mammifères donc l'Homme. A admirer dans le pavillon d'interprétation éponyme.
A Québec nous avons apprécié les Musées historiques de Québec retraçant l'aventure de notre culture sur ce subcontinent-là (demander l'entrée unique, ticket pour les 3 musées). Et puis, au Nouveau Brunswick force lieux historiques plus ou moins restitués, avec versions acadienne et anglophone. Le travail et l'animation sont très pro, l'impression parfois un peu forcée mais bon, on apprend toujours quelque chose et chaque lieu ancre encore davantage la bi-culturalité...
Nostalgie mais pas seulement : les Acadiens sont assez rouet...
et plus on est de fous, plus on rit, alors n'oublions pas cette fantastique colonie de morus bassanus sur l'île Bonaventure :
HOMARD, quand tu nous tiens...
Le homard, c’est aussi un marqueur de la prégnance de la Nature américaine, celle qui s’imposa aux premiers explorateurs, bien avant Jacques Cartier d’ailleurs. C’est elle qui révèle progressivement ses secrets dans force parcs naturels nationaux ou provinciaux ou plus prosaïquement, par la présence estivale de diverses « bibîtes » en particulier des moustiques, qui assaillirent déjà les découvreurs premiers. C’est elle qui amène les cétacés dans le Saint-Laurent, spectaculaire portail des intérieurs de l’Amérique. C’est elle aussi qui permit, avec des moyens de transport adaptés comme les canoës transportables des escouades de coureurs de bois et d’aventuriers plus ou moins officiels, à la culture francophone de se projeter sur une part énorme du sub-continent américain avant de se replier sur sa citadelle laurentide. L’hiver canadien, que nous ne connaissons pas encore, est sans doute une réalité plus prégnante encore de la toute-puissance ici de la nature, le plus souvent domestiquée en Europe dès qu’on s’éloigne de la mer ou de la montagne.
Le seigneur de ces lieux...
Toujours à propos homard, un petit détour par la cuisine où l’on retrouve aussi les contrastes américains entre d’un côté le « junk food » partiellement canadisé, réservé aux masses que guettent obésité et maux dentaires et de l’autre la restauration de qualité, d’un excellent rapport qualité-prix d’ailleurs mais réservée aux « happy few ». Après avoir sans grand succès recherché des fruits de mer non frits au long des kilomètres investis par le hamburger, on peut aussi trouver une merveilleuse Auberge de Mer les pieds dans le Saint-Laurent ou apprécier des saveurs locales à base de viande séchée, de l’incontournable mais excellent sirop d’érable ou encore de bon poisson. Longue vie donc à une gastronomie québécoise que sa culture protège en partie du glissement vers l’abîme, à bas les idéaux mercantilistes de la Commission Européenne et de ses lobbies, douteux rémoras spéculant simultanément sur le gavage des gens et sur la destruction de leur santé. !
En vérité, mes soeurs et frères....
Et puisque on en est aux nourritures, pourquoi ne pas évoquer une interrogation sur les nourritures spirituelles et intellectuelles ? En d’autres termes, le catholicisme fut-il au Québec et plus généralement en Amérique françoise, l’opium du peuple ou bien une colonne vertébrale qui lui permit de vaincre les adversités avant de s’épanouir sur les bords du Saint-Laurent et de l’Atlantique, custode protégeant longtemps les semences avant qu’elles puissent se propager par elles-mêmes. Ici aussi, la réponse est digne des ancêtres paysans, elle est composite voire insondable comme les destinées du Seigneur (au sens large, bien sûr) ou de la Providence. Avant de sauter au plafond comme un diable aspergé d’eau bénite, le laïc hexagonal le plus convaincu se doit donc de réfléchir et d’écouter ce bon sens qui, plus que des tropismes souvent suspects, doit inspirer la véritable laïcité, qui n'existe que si elle est sincèrement acceptée par tous.
A Québec, une impressionnante citadelle intellectuelle catholique (sans les campus !)
La visite des intéressants musées de Québec tout comme celle des nombreux lieux de mémoire vivante francophones ou anglophones (lesquels, d’ailleurs sont pluriels car entre Ecossais, Irlandais, Anglais, Loyalistes fuyant les USA, les différences voire les oppositions étaient grandes) est très instructive. Dans la ligne du refus de l’évolution politique en France, l’Eglise catholique québécoise a certes été jusqu’à « collaborer » avec le pouvoir britannique puis anglophone au XIXème siècle et en favorisant des idéaux proches de ceux de l’Etat Français. Mais elle a aussi incarné une forme d’indépendance culturelle qui tout en retranchant momentanément les Francophones du pouvoir économique les stimula idéologiquement...et démographiquement. Elle a protégé d’une certaine manière leur culture et encouragé leur autonomie, qui sécurisait aussi son propre socle, au sein du Canada. Elle a protégé et enrichi le patrimoine culturel. Aujourd’hui encore, le prestige de l’Université Laval est indiscutable quoique partagé avec l’Université laïque.
Et il est amusant de passer la nuit dans une chambre d’hôtes humoristiquement (?) baptisée « Monseigneur » entre un prie-Dieu, un aspersoir et des livres édifiants, le tout dans un ancien presbytère. Cette culture peut nous surprendre mais acceptons-la, tout comme nous acceptons la mixité idéologique de la culture belge. Mais c’est aussi le mérite des gouvernances québécoise et fédérale que d’avoir su, en louvoyant entre politique extérieure, politique intérieure et religion, côtoyer divers précipices sans pour l'instant y tomber. Peut-être était-ce par ce que les unes et les autres étaient motivées par un sens élevé de l’Etat et de leurs responsabilités populaires qu’elles soient d’ordre politique, culturel ou social. Nous y reviendrons d’ailleurs en conclusion.
La, les langues
Elles sont, on le sait depuis Esope (un Grec donc un Européen !) la meilleure et la pire des choses et sans doute fondamentales dans l’existence d’une nation ou même d’une fédération de nations. Seuls les affiliés à notre "Parti Technocrate-Chrétien" considèrent qu’il s’agit là d’un de ces sujets secondaires comme la continuité territoriale, le respect du vote populaire, le financement de la culture ou le service au citoyen, bien plus secondaires que les dotations de fonctionnement, les avoirs fiscaux, les "économies" sur les services productifs ou l'hypothétique relance par la consommation de produits importés. Ici aussi, notre petit voyage est riche d’enseignements : le parler québécois, trop brocardé en France, est authentique. Quand il intègre des mots anglais, il en réinvente souvent le sens comme l’anglais l’a fait pour les mots français ou normands qui ont souvent perdu leurs sens shakespearien. Et la langue qu’il porte est bien sûr l’épine dorsale de la renaissance francophone au Québec et en Acadie voire pour diverses autres minorités américaines.
Mais à chaque point son contrepoint et nous avons aussi entendu le chiac, un étonnant mélange de français et d’anglais à peu près aussi incompréhensible aux Anglophones qu’aux Francophones et qu’une partie –la plus jeune d’ailleurs- de l’Acadie semble parler. Peut-être est-ce là un avatar de la génération de ce globish (global english) qu’on nous promet dans l’UE, à force de vouloir propager en "Europe" la langue d'un pays qui cherche paraît-il à s’en exclure…Mais le goût du paradoxe est aussi le douteux apanage de notre culture, plus parisienne d'ailleurs aujourd'hui que française. En tous cas ni Québécois ni Acadiens ne font, eux, de complexes et ils s’assument, mettant les priorités là où elles sont. Encore une leçon de notre voyage.
En Acadie, on en pince beaucoup pour le français...
Difficile cependant de résister à certaines curiosités linguistiques (de notre point de vue bien sûr) :
NB : Rien à voir avec "A la poursuite d'Octobre Rouge" ou les Mistral qu'on ne veut plus vendre à la Russie : la poutine québécoise est un roboratif plat à base de frites au milieu desquelles ont fait fondre du fromage en miettes , bien des établissements s'enorgueillissant de faire la meilleure au Québec. Quant au sous-marin, il s'agit en substance d'un "panino" qu'on arme... de divers accompagnements au choix du client. Quant aux palourdes elles seraient sans doute plus légères sans friture mais bon...
Retour vers Québec, par l'intérieur
Aux abords de l’Ile du prince Edouard, la plus petite des provinces canadiennes, nous avons admiré l’interminable pont qui la relie au continent. C’est aussi un (très) cher témoignage de ce qu’il fallut d’efforts et d'argent aux dirigeants fédéraux pour désamorcer les réticences locales. Le pont est paraît-il construit pour résister à tous les aléas climatiques. Espérons qu’il en sera ainsi !
Pour ancrer l'Ile à la confédération, il a fallu y mettre le prix
Au retour, nous traversons Moncton, capitale de la Province bilingue et Fredericton qui nous ramène un peu en Angleterre. Notre hôte (un ancien routier britannique) nous montre fièrement, garé devant un superbe parc, son bus scolaire jaune, une apparition familière sur les routes et dans les rues canadiennes et son épouse nous fait savourer le breakfast traditionnel. Fredericton n'est pas leur Brighton natal, mais globalement ils sont contents de l'avoir quitté.
Attention : ça coûte très cher de dépasser quand les clignotants du bus sont au rouge !
Les kilomètres s'additionnent, sur des routes hyper-larges jalonnées de panneaux anti-orignaux (élans) ou anti-chevreuils (en réalité, des cerfs de Virginie) , zébrant des millions d'hectares de forêts ou dominant en corniches de grandioses vallées jalonnées de lacs. Des paysages dignes du Dernier des Mohicans...
Alors ce Canada, un modèle pour la "construction européenne" ?
En France il est aujourd'hui de bon ton -dans bien des milieux "autorisés"- d'affecter de se désintéresser de la Francosphère, réduite à une "Francophonie" toujours plus ou moins condescendante. Il ne s'agirait pas de s'attirer des ennuis (ah! non..) avec des gouvernements amis comme celui du Canada, des Etats-Unis ou d'autres sur des sujets de fond comme la culture française et l'intérêt partagé qu'ils ont à assurer son avenir dans le cadre de négociations impliquant tout de même quelque 300 millions de francophones. On est revenu aux fameux "ces quelques arpents de terre" sur lesquels daubait Voltaire dans un contexte il est vrai, différent. On pourrait pourtant se dire que s'intéresser activement au devenir d'un des principaux blocs culturels de la planète dont notre pays est un chef de file naturel, est au moins aussi intéressant et surtout utile à l'Humanité, à la Paix et à nos propres intérêts que d'exciter les nids de frelons au Proche ou Moyen-Orient, dans les plaines sub-européennes et ailleurs. Abstention, donc.
Avec d'autres gouvernements et principalement en Afrique, l'attitude inverse prévaut et Paris semble partir du principe que le ton colonial reste de mise et qu'ils doivent écouter nos leçons de morale plutôt que de suivre certains de nos exemples.Quant à nos voisins francophones immédiats, le moins que l'on puisse dire, ainsi que les récents anniversaires de Marignan et de Waterloo le documentent, est qu'on ne les traite pas toujours avec le respect nécessaire.
Mais l'Europe, ça, ça en vaut la peine ! Et peu importent les conséquences à moyen ou long terme, on verra plus tard. Bref, la politique qui sous les rois et les empereurs fit lâcher la proie américaine pour les ombres rhénanes semble survivre. Chassez le naturel, il revient au galop.
L'évolution du Québec et de ce qu'on pourrait appeler la Néo-Acadie contraste avec cet étonnant mélange d'arrogance et de soumission, cette attitude plus administrative que politique qui continue à sévir dans leur patrie d'origine. Tout en choisissant d'affirmer toujours davantage leur originalité profonde et de faire éclore les talents que recèle notre héritage commun, nos cousins -authentiques ceux-là- ont souvent su allier réalisme et détermination. Peu importe si c'est l'adversité, leur situation pionnière ou le contact permanent avec la "concurrence" anglo-saxonne qui le leur a appris, l'essentiel c'est le résultat et il est convaincant.
Passant plusieurs fois à deux doigts de perdre leur âme, les Francophones canadiens ont su trouver avec leurs concitoyens anglophones qui ont eux aussi vécu bien des galères et des dangers, des arrangements qui conduisent, au niveau confédéral puis fédéral (Québec) ou à celui de la Province (Nouveau Brunswick), à des résultats positifs, pour autant nous puissions en juger. Le Canada est devenu une nation clairement identifiée comme bi-culturelle et qui dans le concert des nations, occupe une place respectée. Est-ce pour autant un paradis ? Sans doute pas et par exemple du côté des Amérindiens ou Premières Nations, du chemin reste à faire sans doute. Est-il durable, nul ne le sait car le Prince (le Peuple, en démocratie), il peut défaire ce qu'il a fait et ce qui se passe en Ecosse ou en Catalogne incite à la prudence. En attendant, le Canada nage...
Faut-il pour autant en déduire qu'il est tout à fait possible d'en faire autant dans l'espace européen, à supposer qu'on en attende une véritable valeur ajoutée? A notre avis absolument pas, tout au moins si l'on poursuit sur la trajectoire actuelle d'un fédéralisme boiteux mâtiné de bonapartisme et donc non partagé ni inspiré par ceux qu'il concerne au premier chef, c'est-à-dire par les peuples : pour parler clair, on met avec obstination la charrue devant les boeufs.
Tout d'abord, le Canada ne s'est pas d'abord construit sur l'économie, encore moins sur la finance mais sur la politique et le règlement clair, parfois violent ou brutal, parfois longuement négocié, des litiges et des différences. Il ne se construit pas sur l'ambiguïté et l'esquive mais dans la clarté du débat. Il est est loin de ce système étrange où l'on impose aux citoyens, au niveau des exécutifs et de pseudo-contraintes monétaires, des politiques pour lesquelles ils n'ont pas été mandatés. Au lieu de baisser, la tension interne du système UE ne pourra donc que croître.
Ensuite, il s'est construit parallèlement à son indépendance politique vis-à-vis de l'extérieur et non sur une dépendance toujours accrue vis-à-vis des Etats-Unis, quoique le Canada en soit beaucoup plus proche. Les deux grandes cultures de la population canadienne semblent partager cette vision, tout au moins en principe et la France aussi a un rôle positif à jouer dans ce contexte. Encore faudrait-il qu'on y comprenne que la légitimité ne procède pas des dimensions, sans quoi les USA auraient depuis longtemps mangé le Mexique et le Canada...sous prétexte que leurs monnaies sont plus ou moins indexées sur le dollar US.
Troisièmement, la construction canadienne s'est fondée sur un cadre relativement souple, celui d'une Confédération progressivement convertie en Fédération et laissant une large initiative à ses Provinces. Ce qui est à nos yeux important, c'est qu'elle s'accompagne d'un progrès démocratique qui crédibilise la gouvernance fédérale : vote féminin, progrès des minorités, acceptation du fait culturel francophone etc..il en va tout autrement dans l'UE, où le mercantilisme (qui est le grand portail des lobbies) et son alliée la technocratie (porte ouverte à toutes les dérives) s'imposent toujours davantage tout comme le vote par ordre et l'ultramontanisme. D'un côté de l'Atlantique un progrès lent mais continu, de l'autre un retour en arrière.= sur de nombreux points.
Quatrièmement, l'homogénéité. S'imaginer une "Europe" proche de celle du blocus continental napoléonien, dirigée sous prétexte de couple (!) franco-allemand par une Consule et un Second Consul, excluant le Royaume-Uni et les états non chrétiens, s'opposant à la Russie et se comportant en citadelle assiégée, confiant sa défense aux Etats-Unis, pratiquant le vote par ordre avec des états variant entre 300 000 habitants et 80 millions et en ignorant royalement les sujets des langues, de la laïcité aussi bien que le principe du vote par tête, ce n'est pas très sérieux surtout lorsqu'on veut, en plus, brûler les étapes. La réussite, provisoire ou non du Canada, c'est d'abord le réalisme partagé de ses citoyens, non les illusions obstinées et personnelles de quelques-uns.
Aimons donc le Canada, un pays qui fort de ses deux nations reconnues comme telles, cherche le bon sens dans le bon sens. Aimons une démocratie qui fonctionne et qui respecte ses propres idéaux. Grossir pour grossir n'a pas de sens. Grandir en se grandissant en a un.
Alors...vivent le Québec et l'Acadie, les amis et vive aussi le Canada, tant qu'ils le décident !
.....et merci à CHAVILLE VOYAGES de nous avoir permis de ramener, en plus de quelques idées, de beaux souvenirs !