Le Musée de la Vie Romantique, niché dans le IXème arrondissement à un petit kilomètre de la Gare Saint-Lazare est l’une de ces pépites culturelles dont la Ville de Paris a le secret. Pour me changer les idées j’y fus il y a peu avec un ami. L’agréable tonnelle était déjà fermée mais le jardin encore vert, niché au bout d’un bout de ruelle pavée, était parfumé des dernières roses.
Nous entrâmes dans le pavillon, décoré avec un goût merveilleux et bien des notes …romantiques comme l’éclairage, les sièges réservés par un petit chardon et les bustes. Deux grandes personnalités que relie une parenté indirecte s’y disputent les lieux.
George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin, descendante du Maréchal de Saxe, vainqueur à Fontenoy, par sa grand’mère, une autre Aurore et Ernest Renan, ancien séminariste, agrégé de philosophie, professeur au Collège de France. Deux B de régions de France, berceaux des intéressés s’y entrelacent donc, Berry et Bretagne mais un C pour Chopin égrène aussi dans le Musée ses si belles notes. Un S les relie, celui d’Ary Scheffer peintre de grand talent venu des Pays-Bas, libéral un peu oublié choisi par le duc d’Orléans pour l’éducation artistique de ses enfants et recevant les stars du temps romantique dont George.
La tête de Renan, impressionnante, semble contenir une pensée puissante, charpentée, presque biblique mais encore prisonnière des préjugés et du vocabulaire du temps, quoique faisant déjà un pied de nez aux élucubrations de Marine, Marion, et leur triste bande dont le discours nous ramène avec insistance à l'avant-guerre et à ses sinistres prémices.
« La race sémitique et la race indo-européenne, examinées au point de vue de la physiologie, ne montrent aucune différence essentielle; elles possèdent en commun et à elles seules le souverain caractère de la beauté. [...] Il n'y a donc aucune raison pour établir, au point de vue de la physiologie, entre les Sémites et les Indo-Européens une distinction de l'ordre de celles qu'on établit entre les Caucasiens, les Mongols et les Nègres. [...] Tour à tour les Juifs, les Syriens, les Arabes sont entrés dans l'œuvre de la civilisation générale, et y ont joué leur rôle comme parties intégrantes de la grande race perfectible; ce qu'on ne peut dire ni de la race nègre, ni de la race tartare, ni même de la race chinoise, qui s'est créé une civilisation à part. Envisagés par le côté physique, les Sémites et les Ariens ne font qu'une seule race, la race blanche; envisagés par le côté intellectuel, ils ne font qu'une seule famille, la famille civilisée »
Comment s’en étonner si l’on observe que bien plus tard, autour du premier conflit mondial, Clémenceau bataillait encore sur le front du colonialisme avec Jules Ferry, colonialiste impénitent et sur celui du socialisme qui avec Jean Jaurès lui paraissait brider la liberté individuelle ; le premier débat est d'ailleurs toujours d'actualité, l'autre étant momentanément occulté par le conformisme ambiant. Aujourd'hui encore, nn se réclame souvent des religions pour mener des "djihads" dévoyés de leur sens, lequel est en réalité essentiellement personnel (un combat contre soi-même pour devenir meilleur). Mais derrière les religions-prétextes, bien après que leurs trompeuses bannières aient quitté les lieux, les miasmes du racisme et de coutumes barbares et oppressives continuent à rôder. Ils sont toujours là, prêts à faire renaître les épidémies de violence parfois déguisées en croisades faisant oublier les vrais problèmes. Rien de nouveau sous le soleil, comme dut se le dire Saint Louis, prisonnier du Sultan d'Egypte mais surtout de ses illusions qui lui firent imposer la rouelle aux Juifs et brûler le Talmud, avant de périr d'une dysenterie sans doute ramenée du Moyen-Orient. Un exemple, ou un contre-exemple, à méditer aussi.
Mais laissons le mot de la fin à la Dame de Nohant. George Sand, féministe percutante, savait composer avec son époque pour faire avancer l'essentiel. Elle était, aussi, profondément humaniste. J’ai retenu d’elle une citation, une maxime aussi philosophique qu’intuitive : « Doute de Dieu, doute des hommes, doute de moi-même si tu veux, mais ne doute pas de l'amour ». L’amour inspire le respect et le respect, entre autres celui de la jeunesse. Le respect, c'est l’une des bases permettant à une société de réfléchir sur elle-même et de comprendre les sources des tensions qui l’animent donc d’échapper, tout en se défendant, aux aventures guerrières qui ne résolvent rien et de travailler dans la durée à de vraies solutions. C'est aussi bien sûr un message qu'essaient de transmettre philosophies ou religions, leur vrai message en fait. Mais l'humanité est ainsi faite que des Livres elle retire souvent le Mal au lieu du Bien. A nous d'exercer notre discernement et de suivre les vraies Lumières plutôt que de nous laisser prendre à ces miroirs aux alouettes que font tourner les chasseurs de tout poil afin d'arrondir leur carnier.
Quoi qu’en en pense, voici un Musée à visiter et à méditer, ne fût-ce que pour retrouver quelques instants de paix et de plaisir en ce temps troublé. La visite est gratuite et pour y aller c’est facile : 16 rue Chaptal et compte twitter #MVRParis.