Après-demain, les électeurs les plus motivés prendront le chemin des urnes. En ce qui me concerne, en tant que citoyen engagé depuis longtemps dans la vie politique, j'irai bien sûr voter. Mais je ne saurais en vouloir, même si je ne les encourage pas, à ceux (et celles bien sûr) de mes concitoyens qui considéreraient que les élections européennes sont une farce ou tout au moins un exercice discutable. L'essentiel est de ne pas tirer de mauvaises conclusions d'un bon constat. Mais les critiques de l'abstention sont pour la plupart mal placés pour flétrir, de façon convenue, le comportement de leurs citoyens.
Sur ce sujet en effet, tout se passe comme si les pouvoirs en place voulaient paver le chemin de l'extrême-droite et jouer les Guillot : crier au Loup pour arriver à leurs fins, pour finir par livrer le troupeau au fauve, en oubliant l'essentiel au profit supposé de ses propres intérêts. La gauche, la droite classique ou l'orléaniste réapparue sous l'habits macronien, le Centre, tous ont fait de même et se désolent aujourd'hui des résultats de leur attitude en versant des larmes de crocodile sur la montée (relative vu la participation électorale) du RN. Mais ils en sont les premiers responsables.
En 2005, les électeurs français et d'autres pays avaient clairement fait savoir qu'ils refusaient une Europe mal construite, se figeant dans les règles d'un proto-fédéralisme. Avec en prime un fonctionnement non démocratique puisqu'il empêche dans les faits toute alternance politique à Bruxelles, avec un Parlement qui n'a pas l'initiative des lois et au pouvoir marginal par rapport au Conseil européen et à la Commission. On réduit ainsi les "élections européennes" à un exercice de style. Depuis, de multiples signaux précurseurs dont les Gilets Jaunes ont indiqué que l'européisme des "élites" était en lévitation. Le gouvernement a eu tort de les mépriser ou de les ridiculiser. Quant au Grand Débat il a disparu en fumée, comme le reste...
Rien n'a été fait pour changer les finalités et le mode de fonctionnement de l'UE afin qu'elle puisse devenir Europe en retrouvant l'appuis des ses virtuels "citoyens". Au contraire, la clientèle des pays atlantistes s'est élargie à l'Est et la pression américaine ne fait qu'enfoncer les lignes de la soi-disante Europe, prête à y céder sous les prétextes les plus divers. Les seuls thèmes transnationaux sont aujourd'hui ceux de l'égoïsme, de la dissémination des ventes d'armes et de l'affaiblissement de la politique agricole commune ; la différence entre l'OTAN politique et l'UE tout court s'atténue. Et le Royaume-Uni, essentiel à une Europe forte et indépendante, se prépare à prendre la porte.
Foin de tout cela ! Le parlement sarkozyste, mandataire du peuple français, s'était permis de déjuger son mandant, le peuple, en signant de nouveaux traités en sens inverse de sa décision souveraine. Et ses successeurs "socialistes" se sont rendus complices de cette forfaiture en l'avalisant au motif des convictions européistes voire eurolâtres de certains de leurs chefs. Avec l'arrivée de la droite orléaniste et de ses supplétifs, les choses ne s'arrangent évidemment pas. La preuve en est dans le nouvel appel du berger Guillot, préparé par des porte-voix bien calibrés dans les media officiels ou non, à voter pour la droite rose en criant à nouveau au Loup : Moi, ou le RN !
Je ne suis pas un frexiteur et je déteste les amalgames ridicules, parfois insultants quand les élites autoproclamées perdent, par tropisme mandarinal, un bon sens élémentaire et s'en prennent à leurs propres concitoyens comme s'ils étaient des étudiants, des administrés ou des subordonnés, ce qui est est d'ailleurs typique d'une gouvernance bourgeoise. Pour autant je pense qu'en matière d'Europe il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Tant que l'Union reste confinée à une mission économique, elle a une certaine valeur ajoutée même s'il ne faut pas l'exagérer.
Par contre, vouloir pérenniser son mode de fonctionnement actuel avec son absence de valeurs morales solides et des mini-groupes comme le "couple" germano-français, est aussi ridicule que de penser qu'une chenille peut se transformer en papillon sans passer par la chrysalide, à supposer que le papillon apporte une vraie valeur ajoutée. Vouloir ainsi construire une "Europe", fédérale qui plus est, sous la houlette d'un duumvirat de gros états qui méprisent plus ou moins les autres est aberrant car cela prouve qu'on n'a rien compris au véritable fédéralisme et aussi qu'on refuse de laisser leur place au facteur temps, essentiel dès qu'il est question de souveraineté et à une véritable culture commune.
On ne parlera même pas des 300 millions de francophones, totalement oubliés dans l'affaire alors que nous sommes le pays chef de file de cette communauté qui contrairement à l'Europe actuelle, a depuis longtemps dépassé les sujets ethniques ou racistes, partage globalement nos valeurs et notre culture au sens le plus large et constitue un espace de développement considérable pour notre économie. Pourquoi ? Parce que le conformisme, la vision étroitement comptable, l'esprit d'une méritocratie qui n'a de méritoire que le nom, s'appliquent hélas aujourd'hui au sujet européen comme au reste. L'esprit déplorable des "quelques arpents de neige" et de la cour faite au Roi de Prusse, a réapparu!
Tout cela pour dire que Dimanche, je ne voterai pas pour une liste eurolâtre car l'UE rebaptisée "Europe" est devenue pour ses inconditionnels un prétexte commode et rebattu pour esquiver leur responsabilité principale, celle d'assurer un meilleur quotidien et un meilleur avenir aux Français et à leurs frères en culture dans leur monde. Et aussi pour esquiver les problèmes de fond d'une véritable Europe. Je ne voterai pas davantage pour une liste europhobe car même si les avancées du sous-continent sont relatives, il serait dommage d'y renoncer et de laisser la Tour de Babel en l'état. Quant à l'extrême-droite c'est un problème de principe, bien sûr.
Je voterai pour une liste qui tout en acceptant le fait européen, porte l'idée qu'il ne faut pas seulement un aggiornamento à l'UE mais une véritable révolution politique menée pari passu avec tous nos partenaires et qui permette d'en faire, dans le long terme, une construction de qualité supérieure à celle des meilleures démocraties euroépennes. Et là, le choix se restreint très sérieusement ! Bref, pour moi et mes amis des https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Radicaux_de_gauche, liberté de vote à gauche ! A noter que le ci-devant "PRG", devenu simple parti bayletiste, choisit cette semaine d'être sur la liste "Envie d'Europe" tandis que son patron soutient "Renaissance". Comprenne qui voudra !
En tous cas, précisément parce que la communauté citoyenne doit pouvoir faire confiance à une vraie politique claire et à long terme afin de rester groupée et en sécurité, je n'écouterai pas Guillot car le recours renouvelé à ce type d'arguments trahit la pauvreté de sa pensée qui dès que l'on analyse le discours, se réduit à des actes de foi et trop souvent à des effets d'annonce.
Bon vote en tout cas, Chers Amis car nous avons la chance d'avoir un large choix, ne nous plaignons pas de pouvoir en profiter. Et à Dimanche, dans nos bureaux de vote !
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