A Chaville, rien n’est joué aux municipales. Avec quelque 44% des votants, le maire sortant à la LREM/LR a essuyé au premier tour un désaveu cinglant. Sur un territoire plutôt favorable, le voici en effet, au deuxième tour, contraint à une alliance improbable avec des environnementalistes locaux qui voulaient initialement faire liste commune avec son adversaire, s'il veut encore une fois prolonger une longue carrière riche en rebondissements.
Etudiant à SciencesPo, Jean-Jacques Guillet commença en effet par faire la baston avec l’extrême-droite du GUD avant de virer de bord vers les Gaullistes de choc avec Pasqua qui sut le tirer des difficultés financières de ses sociétés de sondages et lui donner pour tremplin politique la suppléance du tôt disparu Claude Labbé, député de notre VIIIe circonscription, moyennant l'abandon officiel de ses convictions.
Parallèlement, il fut correspondant au Viêt-Nam pour « Combat », alors propriété de Smadja (oncle d’I.Balkany) avant de devenir lui-même patron du Quotidien du Maire, un périodique qui but le bouillon malgré le secours de mystérieux capitaux venus d'ailleurs. Enfin, la Cour de Justice de la République a jugé qu’il s’agissait plus simplement de rétro-commissions provenant d’une société partiellement contrôlée par l’Etat (via Pasqua), la Sofremi.
Puis il accompagne la construction de la citadelle politique du Département, jusqu’à devenir responsable départemental du RPR, cultivant à ce titre des relations étroites avec des politiques de qualité diverse dont Patrick Balkany. Mais pour varier les plaisirs il fut aussi Secrétaire Général du fugace RPF, parti souverainiste de Pasqua, où il côtoya Villiers.
Au plan local il joua au cœur d’artichaut, député coureur des jupons de « ses » villes : Sèvres dont il fut 1ermaire-adjoint, "débarqué" par son maire Caillonneau ; Meudon qui l'éconduisit sèchement avant Chaville prise à la hussarde, le PS local lui ayant obligeamment fourni la clé du pavillon. Il est par contre très fidèle depuis...45 ans au SIGEIF, puissance inconnue du grand public mais qui gère en tant que Syndicat Intercommunal les relations énergétiques de la moitié des villes de la Région. Et ses activités internationales aussi discrètes que variées, toujours sous le sceau de l’Energie, le mènent en Russie, en Indonésie et parfois au Liban.
Puis, tout cela s’accélère avec les variations de la conjoncture politique. Comme son successeur le député Jacques Maire qui débuta, lui, au rugueux PS finistérien avant de découvrir, bien assuré par AXA, les charmes politiques de l’Ouest parisien (après avoir pudiquement expurgé son CV bien sûr), il sut prendre le train En Marche mais garda sur lui un billet LR. Sait-on jamais ! Mais cet or politique chèrement gagné menaçant de se transformer en plomb dans les isoloirs, il lui faut maintenant trouver autre chose.
Pas de problème pour un homme de ressources, plus inoxydable encore que le matériel de l’industrie pétrolière. Les Verts ou plutôt quelques Chavillois amoureux de la Petite Reine et des jardins partagés, lui offrent une monture de rechange avec un score de 20% au premier tour (36% pour le candidat de Centre Gauche). Alors, la recette est usée jusqu'à la corde mais toujours efficace : quelques offres très concrètes mais « off » aux plus ambitieux (le SIGEIF dont le maire-adjoint sortant à l’Urbanisme était Directeur Général, offre à cet égard de belles opportunités) ou à leur entourage ; patte de velours au niveau programmatique, un bon stock de promesses et profusion de postes d’adjoints et le tour est joué, une fois de plus, après avoir été soigneusement préparé, ses soutiens étant bien sûr ignorés.
JJG n’est pas pour rien, après la chute des Balkany, le seul rescapé des seconds couteaux de Pasqua, on pourrait même l’appeler The Survivor. Où est le problème ? Il n’y en a pas. Les "écologistes" locaux ne sont que menu fretin, belette et lapin pour un vieux routier du cirque Pasqua lequel rappelait souvent, avec son inimitable accent, que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Leçon parfaitement retenue et pratiquée.
Seuls des benêts peuvent croire qu’un maire qui bétonne activement depuis 10 ans une ville où il ne vit pas, ne roule jamais à vélo, veut couper les arbres et fréquente depuis des décennies le gratin international du Pétrole et du Gaz s’est magiquement converti, à 73 ans, en chevalier du Développement Durable. Les autres ont déjà mis la main dans l’engrenage et ne la ressortiront plus car ils ont affaire à un remarquable professionnel de cette politique dont les gens ne veulent plus, celle de l’Ancien Monde. Elle a pourtant semble-t-il séduit le prétendu Nouveau Monde de LREM puisqu’il investit sans frémir des candidats de ce profil, aux antipodes de ce qu’il a vendu aux citoyens (jeunes, investis dans la vraie vie, débarrassés des étiquettes etc.).
Dans quelques heures, cela risque de se réaliser. Les braves adjoints qui ont gardé leurs valeurs ou tout au moins certaines d’entre elles, maugréeront mais se laisseront faire car ils sont trop engagés même s'ils ont des états d'âme sur leur "patron" : les gaullistes avec un transfuge LREM, les centristes pro-UE avec un souverainiste issu de l'extrême-droite, les croyants sincères au Nouveau Monde avec un septuagénaire multicartes et politicien professionnel. Tout cela, parce que l'un ou l'autre pseudo-écologiste s'imagine qu’un jeune renardeau peut tromper Goupil ou même Tybert le Chat.
Mais ce qui est important ce sont les citoyens : vous, moi, les autres qui ne s’intéressent que fugitivement à la politique, juste le temps de faire leur devoir de Français. Aujourd’hui, il suffit bien sûr d’aller sur Internet pour tout savoir, ou presque, sur n’importe quel candidat et concernant celui-ci, ce n’est pas l’information, hélas trop souvent exacte, qui manque. Les soucis sont là surtout dans la période actuelle, les vraies urgences se télescopent : emploi, logement, école, garde des enfants sans parler bien sûr de la santé. Ce sont ceux, d’ailleurs, qui font la tâche quotidienne des vrais élus – il en existe- qui doivent aider à les résoudre et l’ambition des candidats de qualité, qui vivent la vraie vie.
A la veille du dépôt des listes du deuxième tour et quelques semaines avant la décision finale pour 6 ans de l’élection municipale de notre ville, je pense qu'il n’est pas inutile et même du devoir d’un ancien maire qui connaît bien le bestiaire politique du 92, aime vraiment sa ville et souhaiterait qu’elle reprenne un meilleur chemin, de rappeler certaines réalités. Qui d'autre le fera ? Cet inventaire non exhaustif et de loin, repose sur des faits publics et parfaitement vérifiables sans exception.
Mais laissons là l’univers des Fables avec son triste Raminagrobis et rappelons-nous le beau conte d’Alphonse Daudet dans les Lettres de Mon Moulin : Monsieur Seguin (un vrai Gaulliste, celui-là !) aime trop sa jolie chèvre pour ne pas lui déconseiller aller dans la montagne pour y manger l’herbe fraîche de rosée et le serpolet, car le loup y est et la mangera. Et ce, même s’il ne se fait guère d’illusions. Mais sait-on jamais ?
De fait rien n'est fait, même si cette dernière mascarade se produit. EELV-Les Verts pourra difficilement bénir l'union de la carpe et du lapin et retirera donc son logo ; surtout, bien des électeurs hésitants du premier tour, voyant des dessous peu reluisants exposés sur la table, feront s'ils sont nouveaux Chavillois, le pari d'une liste jeune, sincère et honnête. S'ils sont plus anciens, ils se rappelleront que pendant 12 ans les réalisations pour une ville plus belle, le maintien du patrimoine encore existant, la limitation du bétonnage et le progrès social ou la sécurité n'ont pas manqué avec AGIR pour Chaville qui préfigurait VIVONS CHAVILLE ; la présence effective d'élus de terrain, non plus. Alors, rassemblés sous l'égide du muguet de nos bois, les uns feront le pari de l'espoir, les autres celui de l'expérience. Les uns et les autres, celui du bon sens. Tel est en tout cas notre voeu.
Un petit clin d'oeil pour finir à mon maître en politique. Ce n'était pas un Pasqua avec sa gouaille, ses tactiques et sa vision très spéciale des ressources publiques dont il abusa avec ses complices (dont Raminagrobis) mais Michel Crépeau, un vrai Radical (de Gauche, c'est un pléonasme à mes yeux) qui, bien avant que les Verts n'existent, avait compris les enjeux du Développement Durable et fait de sa ville, La Rochelle, la première "ville à vélo" en France. Avocat de formation, il est mort suite à un arrêt cardiaque, en plein débat, à l'Assemblée Nationale. Un politique comme il en faudrait davantage, avec ses défauts mais pas un professionnel de la tromperie ni une girouette.