Huit Juin 2009 : un petit groupe d'élus et de citoyens, de porte-drapeaux et de représentants des associations patriotiques, commémore au cimetière de Chaville le sacrifice des Chavillois tombés en Indochine.
Tout va bien, le recueillement est général. Et voici que le maire-adjoint délégué entreprend de lire le "message" de Jean-Marie BOCKEL, ministre ci-devant socialiste chargé entre autres des Anciens Combattants.
A ce moment, je me rends compte que le Cabinet dudit ministre, qui a très probablement commis ce message, lu bien sûr dans toute la France au cours de cérémonies similaires, a entrepris de réécrire l'Histoire. Plus probablement, il semble l'ignorer de façon incroyable à ce niveau car, si l'on maintient un Ministère de ce type, c'est tout de même a priori pour y rassembler les compétences nécessaires à un bon exercice du Souvenir et du devoir de mémoire.
Sans pour autant prononcer les noms de Résistants ou de Résistance, on nous parle en effet du sacrifice des militaires français "dès 1939" ce qui sous-entend que l'armée française sur place (environ 15 000 hommes à l'époque) aurait résisté dans son ensemble. D'autre part, pas un mot sur les supplétifs viêtnamiens ou de façon plus générale Indochinois (car les membres d'ethnies non viêtnamiennes à strictement parler y étaient nombreux) dont des milliers, tout comme Afrique du Nord, ont donné leur vie ou leurs souffrances "pour la France". Quoiqu'on puisse penser rétrospectivement de leur attitude en tant que Viêtnamiens, ( les vaincus ont toujours tort surtout s'ils n'ont pas pu partir ), ils ne sont pas moins honorables par le côté français, me semble-t-il, que les Harkis ou d'autres en Afrique.
Je ne parlerai même pas des Viêtnamiens déplacés de force en Métropole au titre de l'effort de guerre, une forme française du STO, ce serait trop en demander aux services du ministre BOCKEL.
Or, la réalité est tout autre. Tous ceux qui s'intéressent un peu sérieusement à l'histoire du Viêt-Nam savent que dès 1940, l'amiral Decoux, patron des forces françaises en Indochine, avait signé avec l'envahisseur nippon un accord mettant à sa disposition le territoire, ses ressources (entre autres le charbon) et ses bases d'où partirent des raids aériens japonais pour attaquer navires ou troupes alliées : Britanniques, Néerlandais ( qui, eux, se battaient ! ), Australiens et Néo-Zélandais, Chinois et Américains. Le tout, justifié par la disproportion des forces en présence (si tout le monde avait fait comme ça et entre autres nos amis britanniques, où en serait-on aujourd'hui ?).
Parallèlement, l'amiral Decoux mettait en place une gouvernance du plus pur style vichyssois. Au delà du folklore maréchaliste et de façon hélas beaucoup plus dramatique, il pourchassait et enfermait les Résistants -car il y en a eu- qu'ils fussent français ou vietnamiens et collaborait bel et bien avec les Japonais. La grande théorie de l'amiral et de ses amis, aveuglés par l'anglophobie et le milieu colonial, c'était en gros que pour sauver la France et ses Colonies de la Révolution, du Marxisme et d'autres maux putatifs, il fallait éviter une lutte sans espoir (qui dans le cas de l'Indochine n'avait pas commencé, tout du moins avec le Japon), trahir nos alliés en aidant les Japonais et gagner du temps.
Epilogue de cette triste affaire : le 9 mars 1945 les Japonais, refluant sous la pression alliée et voulant éviter que Decoux ne vole éventuellement au secours de la victoire, opéraient un coup de force en internant (il faut savoir que le statut de prisonnier de guerre des Japonais équivalait à celui de déporté en Allemagne nazie) les militaires français, qui rejoignaient ainsi les quelques-uns qui avaient dès le départ résisté à Decoux et aux Japonais : à eux dès lors les tortures, les exécutions au sabre, les souffrances et les maladies. Il se trouve même encore aujourd'hui des pseudo-historiens pour prétendre que si les Japonais ont accompli leur forfait c'est de la faute des Résistants (!) et pourquoi pas, que le colonialisme existerait encore au Viêt-Nam, pour le plus grand profit des milieux concernés si ce n'est des Viêt-Namiens. C.Q.F.D.
Le minimum, me semble-t-il, que l'on puisse attendre des services du ministère dans une cérémonie dédiée à l'Indochine, c'est d'y respecter l'Histoire et la Résistance dans les mêmes conditions qu'en Métropole. Par les temps qui courent, les Résistants d'Indochine ( au nombre desquels je m'honore de compter mes deux parents ) n'ont plus de survivants et ce qui leur reste d'amis ou de descendants ne sont pas une clientèle intéressante ni politiquement exploitable. Quel cabinet ministériel devrait donc s'en soucier ? Mais qu'au moins on ne leur retire pas la gloire d'avoir osé, en terre d'Asie, résister seuls contre la barbarie. Or, c'est agir ainsi que de les gommer, tout simplement, de l'Histoire vis-à-vis des Franaçais d'auourd'hui.
Ainsi, que notre gouvernement, au lieu de prétendre prescrire aux professionnels enseignants ou historiens, ce qu'ils doivent dire à leurs élèves ou écrire, s'attache déjà dans ce domaine à faire correctement son travail et à respecter ceux qui incarnèrent les idéaux du gaullisme, dont l'emblème sert toujours de réclame à un parti politique bien connu.
Et le moins que l'on puisse attendre d'un parti d'inspiration soi-disant gaulliste, justement, c'est qu'au moins il respecte ceux qui se sont battus sous la croix de Lorraine, ont porté la médaille de la Résistance et reçu des témoignages d'estime du Général. Il est vrai que le ministre BOCKEL, lui, vient d'ailleurs...
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