Plaisirs australiens de fin d'après-midi
Nous avons des amis australiens, qui furent Chavillois. Depuis des années, Georgette et Howard nous pressaient de les venir voir à Brisbane. Ce n’était rien qu’un petit tour d’avion, disaient-ils, vingt-cinq heures à peine assaisonnées de 10 heures de décalage horaire. Cet été, nous nous sommes décidés et tant qu’à faire, pourquoi ne pas rendre visite à la Nouvelle-Calédonie, avec ses Calédoniens, ses Kanaks et ses « métros » de Nouméa, petit coin de France à deux heures de l’Australie.
Cela valait la peine, nous en avons ramené plein de souvenirs et d’idées. Comme toujours, c’est pareil et pas pareil. Idem, la politique et sa vilaine sœur la corruption, dans un pays aux rares nouvelles qui rassemble la population du Bénélux sur le territoire des Etats-Unis. A peu près pareils, la télé, les modes bobo, la focalisation sur une immigration nécessaire mais politiquement indigeste, le libéralisme avec ses tares et plaisirs, les inquiétudes du changement climatique.
C'est comme au Conseil Général des Hauts-de-Seine : attention aux crocodiles !
Différents, le comportement cool mais pro des Australiens et leur langue, mélange d’un « slang » savoureux et d’un accent plutôt irlandais qui en rendent la compréhension « sportive ». Un bel urbanisme, une propreté remarquable, de grands espaces, un système social plutôt équilibré, un quotidien rêvé pour les jeunes (embauche assez facile, météo toujours clémente, plage et surf à portée de main, barbecue et boissons diverses) qui cependant peut lasser à la longue les assoiffés de culture.
Vue cu centre-ville de Brisbane
Mais quel potentiel, pour eux comme pour nous car la France, recroquevillée sur sa monoculture européenne, n’a pas encore abandonné « ses » antipodes voisines (le voisinage étant évidemment relatif) ! Des ressources naturelles, de l’espace à revendre, un certain potentiel d’influence, une population plutôt bon enfant à l’histoire en émergence, une situation à l’abri des grands conflits, tout au moins pour l’instant, une image globalement positive et originale.
A deux heures d’avion donc, la Nouvelle-Calédonie est à l’occident de notre ex-empire du Pacifique, où le franc éponyme a toujours cours avec ses beaux billets colorés. S’il est ridicule de prétendre analyser une situation après une semaine de séjour, on peut tout de même y perdre quelques préjugés, se voir confirmer quelques idées de sortie positive pour l’avenir et en tous cas confirmer dans l’opinion qu’ici non plus, la vision administrative ou si l’on veut, fixiste des choses n’est pas la bonne.
Il y a clairement dans le Pacifique, comme dans d’autres espaces ou nous fûmes et sommes toujours culturellement très présents comme la Caraïbe, l’Amérique du Nord, l’Afrique et Madagascar ou même le Proche-Orient voire l’Asie, un énorme potentiel qui n’est pas exploité, au grand dam des créations d’emplois sur place et en métropole dans l’industrie mais aussi dans le négoce, la culture ou les services. Pourquoi ? Parce qu’il y faudrait de l’imagination, de l’audace, de la constance.
Le Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou à Nouméa
En s’enfermant dans un « colloque singulier » avec ses anciennes possessions coloniales, la France se condamne elle-même à ne voir en elles qu’un boulet qu’à Bercy on aimerait lâcher un jour ou l’autre alors qu’en association avec des puissances locales dans ces régions on pourrait à la fois les protéger du pillage halieutique, des menaces extérieures, de l’invasion économique d’états concurrents et valoriser notre culture, laquelle est l’épine dorsale du développement durable de notre économie.
L’Australie est une puissance émergente de l’Espace Pacifique, Indien et Antarctique, mais elle a aussi ses faiblesses. La Nouvelle-Calédonie et son économie minière et agricole induit un espace maritime énorme que nous sommes de plus en plus incapables de valoriser et laissons piller tranquillement. Faut-il ici comme ailleurs jeter le bébé avec l’eau du bain et laisser un futur état autonome faire sans nous ce qu’il pourrait et sans doute voudrait, beaucoup mieux faire avec nous ?
Pour résoudre ces problématiques au bénéfice de tous, Ici comme ailleurs, ingénieurs et diplomates doivent reprendre la main, avec leur professionnalisme. Cessons de confondre finance avec budgets, tradition avec conformisme, complémentarité entre public et privé et dangereuse promiscuité avec les vendeurs de PPP ou de croire qu’une entreprise ou un pays peuvent vivre par les seuls économies et impôts, comme si c'étaient le droit et la finance qui faisaient vivre une entreprise. Tendons la main aux autres pour le partenariat et non pour la soumission à un roi soliveau, européen ou autre à qui nous prêtons en vain nos propres ambitions. Europe, nous ont raconté les Grecs, a été enlevée par un taureau, non par un boeuf, surtout précédé de la charrue. Imaginons et construisons, en sachant où nous pouvons, savons et voulons aller, nous même si c'est en bonne harmonie avec nos voisins et alliés.
C’est possible car aujourd’hui, à l’heure de Brisbane comme à celle de Nouméa, les véhicules sont de marque asiatique, le capital des usines et compagnies aériennes passent en mains étrangères, la coopération universitaire est minimaliste, les accords de défense absents, les problèmes de pêche et d’écologie sont traités en solo et la coopération internationale est balbutiante. Ce n’est nullement une fatalité, c’est le négatif d’un programme à réaliser avec les amis Australiens, Néo-Zélandais, Indonésiens, Singapouriens ou autres. Si nous mettons en oeuvre un vrai dessein au lieu d'être debout sur les freins, si nous créons une nouvelle culture, alors c’est à l’avenir qu’on pourra dire : G’Day, Mate !
....et bon vent à tous nos amis Kalédoniens !
Jean Levain
• Approximativement : Bonjour, mon pote ! s’adressant de tout le monde à tout le monde, sans doute par réminiscence de l’histoire des déportés : « mate » est aussi le compagnon de chaîne, à l’origine !
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